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France 4/France Ô: un avenir incertain pour deux chaînes nécessaires qui cherchent encore leur place



Une chaîne qui disparaît du PAF, cela n’arrive pas tous les jours. Alors en voir deux être rayées simultanément de la TNT, c’est un évènement d’autant plus rare et triste tant pour les téléspectateurs et téléspectatrices que pour les acteurs et actrices de la télévision. Ici, voir les répercussions que les disparitions de France 4 et France Ô allaient avoir sur la présence et la qualité du contenu jeunesse et lié à l’outre-mer à la télé poussait donc à suivre ce feuilleton médiatique de près. Retour sur les avancées des dossiers France 4 et France Ô cette saison.


Partie 3. Doublement sauvée par la pandémie, l’heure n’est finalement pas à rejoindre France Ô au cimetière du PAF pour France 4



Vous ne vous souvenez plus très bien de ce feuilleton médiatique ?

Relisez la partie 1 (consacrée à France 4) de cette série d’articles ! https://televidilo.wixsite.com/televidilo/post-unique/2020/08/04/arr%C3%AAt-de-france-4

Relisez la partie 2 (consacrée à France Ô) de cette série d’articles ! https://televidilo.wixsite.com/televidilo/post-unique/2020/08/23/arr%C3%AAt-de-france-%C3%B4



France 4 confirmée dans sa nouvelle mission de chaîne jeunesse et éducative


La dernière fois que nous avons évoqué ensemble le cas de France 4 l’été dernier, la chaîne venait d’obtenir un sursis d’un an, officiellement pour laisser le temps à «la montée en puissance de Okoo et Lumni», deux plateformes numériques nouvellement crées par France Télévisions, l’une de dessins-animés pour les enfants de 3 à 12 ans, l’autre à visée éducative, qui avaient toutes deux vocation à remplacer France 4.


Fort de son année de répit donc, pour cette rentrée 2020 qu’elle avait préparé sans croire qu’elle serait encore présente, conformément à la ligne directrice qui lui avait été demandé par le ministère de la culture et qu’elle avait déjà amorcé depuis l’adaptation de son offre de programmes suite au premier confinement au printemps 2020, France 4 a proposé «une offre dédiée à l’éducation et à la jeunesse». Les cours à l’école ayant repris leur organisation classique en présentiel total, fini les cours «Lumni» concocté par France Télévisions et validé par le ministère de l’éducation nationale en journée. A la place, «Le club Lumni» et «Le jeu Lumni» qui proposent aux jeunes, tous les jours en début de soirée (officiellement entre 18h30 et 20h) après avoir fait leurs devoirs, de réviser de façon ludique. Pendant les vacances, place aux «Cahiers de vacances Lumni», qui voient des enseignantes et enseignants répondre aux questions de culture générale d’enfants. Le reste de la journée, les dessins-animés ont repris toute leur place sur l’antenne. Enfin, en soirée (ou «prime-time» pour les puristes), les jeunes téléspectateurs et téléspectatrices entourées de leur famille ont droit aux «soirées Lumni», trois soirées thématiques pour «apprendre, explorer, partager» : «Le dimanche, ‘Lumni histoire’, pour savoir d’où l’on vient ; le mercredi, ‘Lumni sciences’, pour prévoir où l’on va ; et le jeudi, ‘Lumni nature’, pour comprendre où l’on vit». Concrètement, derrière cette belle formule exprimée par Leïla Kaddour, présentatrice de ces «soirées Lumni», dans une bande-annonce promotionnelle diffusée à l’automne dernier, une grande collection de documentaires.


Si, sur le plan de la ligne éditoriale, du changement et une énième clarification ont pu être observé, sur le plan du contenu, économies oblige (impératif qui avait poussé, à l’origine, France Télévisions et le ministère de la culture à décider d’arrêter France 4, et qui existe toujours), peu de nouveautés ou saisons inédites de programmes ont été visibles. Difficile de se fier à l’évolution de l’audience de la chaîne ces derniers mois pour juger si son public a apprécié la qualité de la nouvelle programmation du fait que les dessins-animés et les programmes éducatifs visent un public restreint, donc peu d’audience. Comparer l’audience de France 4 cette année ou en 2020 par rapport aux années précédentes serait donc certainement également un non-sens puisque la chaîne touchait certes un public plus large mais avait alors une programmation fourre-tout qui ne suivait pas de ligne éditoriale claire. Seule comparaison possible : celle avec Gulli, seule autre chaîne de la TNT dédiée à la jeunesse.


Note: Les mois de mai et juin 2021 n’ont pas été pris en compte car le canal 14 est, à partir de là, occupé par une autre chaîne entre 20h et 5h. Comparer Gulli et France 4 ces deux mois-là serait donc biaisé puisque France 4 faisait nécessairement moins d’audience que Gulli en émettant 9h de moins qu’elle, qui plus est en soirée, moment auquel la télévision est la plus suivie.


Sur l’ensemble de la saison, nous pouvons constater que France 4 se place derrière Gulli en terme d’audiences. Toutefois, alors que Gulli est clairement identifiée par les téléspectatrices et téléspectateurs en tant que chaîne jeunesse, elle ne creuse pas l’écart avec France 4 comme nous aurions pu nous y attendre : seules 0,2 points séparaient en moyenne chaque mois France 4 et Gulli. A croire que chacune d’entre elles a un catalogue de dessins-animés suffisamment riches et attractifs pour que les enfants ne délaissent pas l’une au profit de l’autre.



Les arrêts de France 4 et France Ô ouvre le débat de la numérotation des chaînes


Quoi qu’il en soit, si le sursis accordé à France 4 a permis à ses nombreux participants et participantes de souffler un peu, celui-ci ne les a pas soulagé pour autant. En effet, l’avenir de la chaîne s’était certes éclairci pour quelques mois mais il restait toujours aussi obscur et incertain au-delà de cet horizon.


Ce n’est qu’à partir du milieu de la saison, à l’hiver 2020, que la question du sort réservé à la chaîne a commencé à revenir sur la table. Entre décembre 2020 et février 2021, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, sorte de gendarme de la télévision) a décidé de tenir une consultation visant à recueillir l’opinion des chaînes quant à une potentielle nouvelle numérotation des chaînes suite à la libération du canal 19 et, bientôt, du canal 14. Dit comme cela, ce problème paraît anecdotique et rapidement réglé. Seulement, vous n’imaginez pas le nombre d’enjeux qui se jouent ici :


Hypothèse n°1 : la numérotation des chaînes reste identique. Cela fait bizarre d’avoir 25 chaînes numérotées de 1 à 27 mais ce n’est pas grave, plus personne n’y fera bientôt plus attention. Cette solution est celle privilégiée puisque c’est celle qui est la moins susceptible de provoquer des différends.


Hypothèse n°2 : toutes les chaînes à partir de BFMTV sont avancées d’un voire deux canaux. Problème : cela perturberait grandement les habitudes des téléspectateurs et des téléspectatrices, d’autant que plusieurs chaînes ont martelé leur canal de diffusion dans leur campagne de promotion. Une solution logique mais qui a peu de chances d’aboutir.


Hypothèse n°3 : étant donné que c’est France Télévisions qui libère le canal 14, c’est au service public de le récupérer ; France info, actuellement diffusée sur le canal 27, est donc transférée à la place de France 4. Problème : BFMTV n’a pas du tout envie de ne plus être la première chaîne d’infos en continu sur laquelle tombent les téléspectateurs et téléspectatrices en zappant de façon descendante. BFMTV croit qu’ainsi, France info va capter une partie de son audience. Une solution dont la justification tient la route mais aucune chance que BFMTV ne cède là-dessus.


Hypothèse n°4 : toutes les chaînes d’informations en continu sont regroupées du canal 14 au canal 17, CStar décale du canal 17 au canal 18, Gulli du canal 18 à l’ancien canal de France Ô et les dernières chaînes de la TNT voit leur numérotation inchangée. Problème : le même que pour l’hypothèse n°2, même s’il est ici limité. En plus, seules LCI et France info sortiraient gagnantes de ce choix parmi les chaînes infos en continu puisqu’elles seraient diffusées sur des canaux mieux exposés. Néanmoins, les téléspectateurs et téléspectatrices s’y retrouveraient certainement ainsi plus facilement. Une solution qui se défend mais qui risque de créer plus de différends qu’autre chose.


En mars 2021, à l’issue de sa consultation, le CSA a publié une synthèse des réponses reçues de la part des différents groupes de télévision (synthèse consultable ici: https://en.calameo.com/read/0045398756279aedf4282?page=1). Le CSA a finalement simplement commenté qu’«il en tire l’enseignement qu’il n’y a pas lieu de procéder dans l’immédiat à des opérations de renumérotation», avant d’ajouter que «le CSA va donc poursuivre ses travaux, notamment en réalisant une étude sur les usages et le comportement des téléspectateurs». Une manière de gagner du temps pour trancher l’épineux débat qu’il a posé, espérant certainement qu’il se règlerait de lui-même par un consensus trouvé entre les différents groupes qu’il n’aurait qu’à valider.



Après l’éducation, France 4 vient à la rescousse de la culture, mise à mal par la crise sanitaire


Seulement, entre temps, la pandémie n’a pas dit son dernier mot. A l’époque, la France ne s’inquiète pas encore de la rapide propagation du variant delta du coronavirus mais de son variant alpha. La situation sanitaire nécessite alors notamment de refermer les lieux culturels jusqu’à nouvel ordre, comme entre mars et juin 2020. Les mois passent et ces lieux n’entrevoient aucune perspective de réouverture prochaine.


C’est ainsi qu’en janvier 2021, pour soutenir les artistes ainsi que les divers acteurs et actrices du milieu de la culture en cette période difficile pour eux, France Télévisions décide de les mettre en avant en lançant une chaîne de télévision éphémère dédiée à la culture. Ce projet est baptisé «Culturebox», du nom de la plateforme numérique du groupe consacré à la culture crée en 2008. La promesse de Culturebox est simple : rediffuser des documentaires culturels ou des concerts, des pièces de théâtre et de danse de tout types captés ces dernières années par France Télévisions, et proposer, chaque jour, un talk-show pour pouvoir échanger avec les acteurs et actrices du milieu de la culture. Et ce, jusqu’à ce que les lieux de culture puissent rouvrir.


Soirée de lancement de Culturebox, dont les premières minutes ont été retransmise en direct dans le JT de 20h de France 2, le 1er février 2021. Présent/e/s sur scène (de gauche à droite): Daphné Bürki, co-présentatrice de la soirée, Delphine Ernotte, présidente du groupe France Télévisions, Roselyne Bachelot, ministre de la culture, et Roch-Olivier Maistre, président du CSA.


Montée en quelques jours et portée par le duo d’animateurs Daphné Bürki et Raphaël Yem, Culturebox la chaîne télé voit le jour le 1er février 2021, sur le canal autrefois occupé par France Ô. Diffusée 24h/24 et 7j/7, le tout sans aucune page de publicité, son coût, entièrement pris en charge par France Télévisions, est estimé à cinq millions d’euros.


Seulement, quelques semaines plus tard, France Télévisions et le ministère de la culture rencontre un petit problème : Culturebox étant une chaîne destinée à être éphémère, iels [contraction de «ils» et «elles»] s’étaient, à l’origine, mis d’accord pour une diffusion uniquement pendant trois mois, pas plus. Or, iels n’imaginaient certainement pas que la situation sanitaire ne permettrait toujours pas la réouverture des lieux culturels avant la fin du mois d’avril. Par conséquent, à la mi-avril 2021, France Télévisions et le ministère de la culture annoncent la prolongation de Culturebox jusqu’en août. Mais une différence de taille est précisée : à compter du 1er mai, Culturebox déménage du canal 19 pour partager le canal 14 de France 4 entre 20h à 5h. En clair, fini les soirées «Lumni» ; désormais, la culture sera à l’honneur chaque soir sur France 4. Hormis LCP et Public Sénat avec le canal 13, c’est la première fois depuis 1994 avec Arte et France 5 (à l’époque, La Cinquième) que deux chaînes de télévision française se partagent le même canal de diffusion.


Jingles de transition entre France 4 et Culturebox

Source (le soir de France 4 à Culturebox) : http://medias.lenodal.com/video.php?id=27974

Source (le matin de Culturebox à France 4) : http://medias.lenodal.com/video.php?id=27978


Si, à première vue, nous pouvons douter de la cohérence d’ensemble du projet vu les publics différents que visent France 4 et Culturebox (quel enfant serait, par exemple, intéressé par regarder une pièce de théâtre ou bien par écouter le morceau d’une chanteuse qui commence à faire un peu parler d’elle ?), en réalité, une explication peut assez bien la justifier : ce canal est avant tout dédié aux enfants (pour rappel, l’offre de dessins-animés d’Okoo, qui occupe l’antenne de France 4 une bonne partie de la journée, est destinée aux 3-12 ans) ; or, à cet âge, les enfants vont se coucher tôt ; mais dès lors que les enfants sont couchés, que peuvent bien faire les parents ? Pas la peine de réfléchir, ils peuvent rester sur la même chaîne que celle que regardent leurs enfants puisqu’ils ont, à partir de cette heure, une offre de programmes spécifique qui leur permet de se détendre (quoi de mieux que de la musique ou des spectacles culturels pour cela ?), et même parfois de se cultiver (que ce soit devant des documentaires culturels, ou en découvrant simplement de nouveaux artistes) ! Vous voyez mieux le lien possible entre France 4 et Culturebox désormais ? Il paraît, néanmoins, difficile de ne pas croire que cette décision ait davantage été motivé par des raisons économiques (France Télévisions a déjà sorti 5 millions d’euros de sa poche, d’autant que le groupe n’avait pas prévu que la chaîne durerait plus de trois mois) que pour une question éditoriale (n’était-il pas plus clair aux yeux des téléspectateurs et téléspectatrices d’avoir une chaîne consacrée à la culture sur un canal entièrement dédié ?).



Ayant définitivement démontré son utilité à la faveur de la crise sanitaire, France 4 sauve (une fois encore, et pour de bon cette fois) sa peau


Toujours est-il qu’en croisant le chemin de Culturebox, France 4 s’est, peut-être sans l’avoir calculé, offert un argument supplémentaire à sa survie. En effet, même s’il est impossible de savoir si Culturebox est un succès ou non du fait que son audience n’est pas mesurée, il est vrai que Culturebox aurait pu disparaître, comme prévu, au cours de l’été avec la reprise des activités culturelles. Après tout, dès le départ, la chaîne avait été annoncé comme éphémère. De plus, pour France 4, cela n’aurait pas changé grand-chose : elle a su rapidement faire de la place pour accueillir Culturebox en soirée, elle pourrait aussi vite ressortir ses documentaires de ses cartons pour relancer ses «soirées Lumni». Seulement, qui a envie d’être celui ou celle qui réclame l’arrêt d’une chaîne qui, à deux reprises au cours de la crise sanitaire, a pleinement rempli sa mission de service public en proposant, dans un premier temps, une offre éducative visant à mieux accompagner les cours à la maison durant le premier confinement puis, dans un second temps, a mis en lumière le travail d’un secteur essentiel et durement touché par la crise sanitaire, à savoir la culture ? Pas grand monde, si ce n’est les obsédé/e/s du gaspillage de l’argent public et des comptes à l’équilibre. Si, à l’issue du premier confinement, le pire avait été passé et que nous avions pu penser à la relance et au retour à une vie dite normale après cette crise sanitaire, comme le gouvernement le pensait et l’espérait dans un premier temps, alors, là, oui, en reportant d’un an le passage à l’acte de sorte à attendre que l’intérêt retrouvé pour France 4 à la faveur de la crise sanitaire retombe, la chaîne aurait pu être, comme prévu, arrêté sur l’autel des économies. Seulement, la réalité a été différente. Le timing n’est, une fois encore, pas le bon et personne n’a envie de passer pour une personne ingrate en fermant maintenant la chaîne.


Ainsi, des voix chez France Télévisions se sont, à partir de là, élevées pour tenter de sauver pour de bon France 4. A commencer par la présidente du groupe elle-même, Delphine Ernotte. En témoigne une interview qu’elle a accordé au «Journal du dimanche» le 8 mai dernier. Dans celle-ci, elle explique croire que «le service public doit faire preuve d’utilité sociale. Aujourd’hui, ce canal 14 joue un rôle important par sa capacité à toucher les enfants en journée, à proposer des programmes éducatifs notamment lorsque les écoles sont fermées, et désormais à être la plus grande salle de spectacle de France tous les soirs. En quelques mois, nous sommes parvenus à vraiment transformer la chaîne.» Delphine Ernotte ajoute ensuite dans cet entretien : «C’est à l’Etat qu’il appartient de décider si nous pouvons continuer avec ce canal 14 ou si nous devons l’arrêter. […] Nous ne sommes pas tous égaux face au numérique, et cette fracture me préoccupe. Si on veut toucher tous les publics, notamment les plus jeunes, alors nous avons besoin de garder ce canal 14 et France 4».


C’est finalement via un tweet sur les réseaux sociaux que la question a été réglé. En effet, quelques jours après, le 19 mai 2021, le président Emmanuel Macron se montre sans équivoque à ce propos : «Chaîne de l’animation et de l’éducation, France 4 a pris une place à part dans les foyers, notamment depuis la pandémie. Je souhaite qu’elle poursuive sa mission autour de deux axes : jeunesse en journée, culture en soirée, pour prolonger le succès de l’expérience Culturebox.» France 4 est donc sauvé. Comme quoi, personne n’aurait pu imaginer en 2018, au moment de l’annonce de l’arrêt prochain de la chaîne pour faire des économies, qu’une épidémie mondiale aurait permis de démontrer du caractère indispensable de l’existence de France 4 et lui épargner de connaître ses dernières heures.



Et France Ô dans tout ça ?


France Ô, qu’Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, avait assuré ne pas vouloir qu’elle disparaisse, n’a malheureusement pas eu cette chance. La chaîne consacrée aux territoires d’outre-mer s’est bel et bien arrêtée le 23 août 2020, à l’issue d’une journée comme les autres, rythmée par des documentaires et conclut en soirée par un spectacle puis un concert. France Ô a simplement eu droit à une édition spéciale de son JT dont le thème était «les années France Ô à travers l’actualité». Service minimum donc pour une chaîne qui a quand même existé quinze ans et qui, même si elle n’a jamais suscité un grand intérêt en métropole, comptait pour les territoires d’outre-mer.


Dernière minute avant l’arrêt des programmes pour France Ô, avec le générique du concert «L’outre-mer fait son Olympia», capté en 2019


A la fin de la soirée, après l’arrêt des programmes, une bande-annonce d’une vingtaine de minutes a été diffusé pour essayer longuement de convaincre les téléspectateurs et les téléspectatrices que l’arrêt de France Ô sera compensé par le renforcement de la présence des outre-mer sur l’ensemble des antennes du groupe. A deux doigts de nous faire croire que la disparition de France Ô est, au fond, une bonne nouvelle. Revenons sur les arguments présentés par France Télévisions dans sa bande-annonce et voyons ce qui en est réellement, un an après l’arrêt de France Ô.


L’un des bons points se trouve être l’actualité, notamment par la valorisation du site internet de La Première (nom du groupe qui rassemble l’ensemble des chaînes de télévision et les stations de radio détenues par France Télévisions en outre-mer). Même si celui-ci est loin de bénéficier de la même visibilité que France Ô, France Télévisions ne laisse pas, au moins, son public sans aucune référence en matière d’actualité de l’outre-mer, ce qui est bien le minimum qu’iels puissent faire vous allez me dire. Notons également l’arrivée d’un JT dédié aux territoires d’outre-mer («L’info outre-mer», 11h30) chaque jour sur France 3. Il est, d’ailleurs, étonnant que la chaîne, qui propose déjà tous les jours une édition locale, régionale et nationale de son JT, ne l’est pas fait avant. Problème : pourquoi les JT régional et national ont droit à une diffusion le midi et le soir, mais pas celui des outre-mer ? Ce n’est pas la faute à une avant-soirée (ou «access prime-time» pour les puristes) chargée puisque France 3 a été capable de supprimer récemment un de ses jeux pour faire de la place au «18h30», une sorte d’avant-JT loin d’être indispensable au vue de l’offre déjà existante en matière d’information sur la chaîne. Outre «L’info outre-mer» sur France 3, soulignons également l’existence et la diffusion régulière de la rubrique «Outre-mer express» sur la chaîne d’infos en continu du groupe, France info. En revanche, même s’il n’existe pas de données chiffrées en la matière, nul doute que l’actualité des outre-mer est peu présente dans les JT nationaux de France 2 et France 3 contrairement à ce que prétend la bande-annonce diffusée sur France Ô. Enfin, la météo des outre-mer a effectivement été intégré à la météo de France 2. Problème : pourquoi l’a-t-elle été uniquement dans le bulletin météo précédant le JT de 20h et non dans ceux suivant les JT de 13h et de 20h ?


Côté fiction, il est vrai que France Télévisions en tourne plusieurs bien connues de son public (diffusées en prime-time) dans les territoires d’outre-mer. C’est le cas de «Tropiques criminels» (France 2, depuis 2019, deux saisons), tournée en Martinique, ou de «Meurtres au paradis» (France 2, depuis 2011, dix saisons), tournée en Guadeloupe. Notons enfin le cas particulier de «O.P.J., Pacifique sud» (depuis 2019, deux saisons), tourné en Nouvelle-Calédonie puis à La Réunion. En effet, alors que la première saison avait été diffusé sur France Ô, France Télévisions lui a fait honneur suite à l’arrêt de France Ô en lançant sa seconde saison le 1er juillet dernier en prime-time sur France 3. Résultat ? Carton plein : 4,2 millions de téléspectateurs et téléspectatrices (20,7% des personnes devant leur télévision ce soir-là) ont suivi ce premier épisode, faisant de France 3 la chaîne leadeuse en terme d’audiences ce soir-là. Alors que nous aurions pu nous attendre à découvrir la suite de la série la semaine suivante, voilà que le groupe a fait l’incompréhensible choix de la programmer… en beau milieu de la matinée (à 10h30), quasiment un mois plus tard (le 26 juillet), et ce du lundi au vendredi.


Enfin, en dehors de l’actualité et de la fiction, France Télévisions vante également sa grande collection de documentaires. Hormis quelques rendez-vous réguliers, comme «Les témoins d’outre-mer» (tous les matins à 8h45 sur France 3), «Voyages & délices by chef Kelly» (tous les samedis matins à 11h sur France 3) ou «C’est pas le bout du monde» (tous les dimanches matins à 9h45 sur France 3), difficile de vérifier si le service public a effectivement mis régulièrement à l’honneur les territoires d’outre-mer dans les documentaires qu’il a diffusé au cours de la saison.


Comme nous pouvons le constater, nul doute que France Télévisions travaille réellement à une plus grande visibilité des outre-mer sur ses différentes antennes. Néanmoins, pour l’heure, nous sommes encore loin du compte. En premier lieu, de part toutes les petites incohérences que nous avons relevées. Ensuite, parce que compenser la visibilité qu’apportait une chaîne gratuite sur la TNT entièrement dédiée aux territoires d’outre-mer, tout en cherchant, en même temps, à diffuser dans l’ensemble des grilles des programmes proposées par les chaînes du groupe cette attention envers des populations souvent négligées par l’hexagone, est un travail complexe et ambitieux qui ne se résout pas aussi facilement et rapidement. Enfin, du fait d’un manque évident de communication. Il serait intéressant de savoir qui parmi vous et dans le public de France Télévisions avaient connaissance de l’existence ou du lien avec les territoires d’outre-mer des programmes qui viennent d’être d’évoqués… ? De même, qui connaît l’opération «Cœur Outre-mer», censée mettre à l’honneur de différentes manières les territoires ultramarins pendant une semaine sur l’ensemble des antennes du service public ? Et qui serait capable de citer ne serait-ce qu’une incarnation de France Télévisions qui serait originaire de l’un des territoires d’outre-mer ? Chercher à obtenir des résultats est une chose, mais si peu semble être fait pour les faire connaître, notamment en permettant aux téléspectateurs et téléspectatrices d’identifier clairement des rendez-vous et des incarnations pour l’outre-mer sur les antennes du groupe. Sans communication, c’est comme si rien n’avait été fait aux yeux du public.




Désormais que France 4 a été sauvé et que France Ô a disparu, vous pourriez vous dire que nous en avons fini de ce feuilleton médiatique. Pourtant, détrompez-vous ! Il est vrai qu’en ce qui concerne France Ô, la résurrection est un rebondissement peu vraisemblable. Mais la visibilité des outre-mer constitue un enjeu médiatique (et bien au-delà) trop important pour que le sujet soit délaissé avec l’arrêt de France Ô. Pour cela, comptez sur Televidilo pour être attentif aux comptes-rendus des futures réunions du comité de suivi de France Télévisions vis-à-vis de l’application du Pacte pour la visibilité des outre-mer (série d’engagements définis par le ministère de la culture et celui des outre-mer engageant France Télévisions à ancrer «un réflexe outre-mer» au sein de ses équipes et sur ses antennes). Pour ce qui est de France 4/Culturebox, il reste à voir si France Télévisions donnera les moyens à la chaîne de saisir pleinement cette dernière chance qui lui est offerte, ou bien si elle se contentera d’être une chaîne-alibi, c’est-à-dire qui aura comme principale utilité de montrer que France Télévisions se soucie de la jeunesse et de la culture puisqu’elle possède une chaîne qui propose une offre spécifique, faute de pouvoir se montrer attractive. Car même si la chaîne est officiellement sauvée de l’arrêt, nul doute qu’une épée de damoclès reste au-dessus de sa tête. Si la seconde option vient à s’imposer avec le temps, l’enjeu de faire des économies et de la réelle utilité de France 4 reviendra à coup sûr sur la table d’ici quelques mois ou années. Affaire à suivre donc.




Pour écrire cet article, plusieurs références ont été utiles:


- Valentin Barbier, Puremédias, «O.P.J.» : après son carton en prime time, la série continue sur France 3 ce lundi 26 juillet à… 10h30, 7 juillet 2021. Article consultable en ligne : https://www.ozap.com/actu/-o-p-j-apres-son-carton-en-prime-time-la-serie-continue-sur-france-3-le-lundi-26-juillet-a-10h30/606318


- CSA, Le CSA publie la synthèse de la consultation publique sur la numérotation des services de la plateforme TNT, 22 mars 2021. Communiqué de presse et synthèse consultables en ligne : https://www.csa.fr/Informer/Espace-presse/Communiques-de-presse/Le-CSA-publie-la-synthese-de-la-consultation-publique-sur-la-numerotation-des-services-de-la-plateforme-TNT


- Facebook, Lumni, Les soirées Lumni sur France 4, 19 novembre 2020. Post Facebook consultable en ligne : https://www.facebook.com/watch/?v=418396902507199


- Francetv pro, France Télévisions lance Culturebox, 22 janvier 2021. Communiqué de presse consultable en ligne : https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/7750193


- Ministère de la culture, Prolongation de Culturebox à compter du 1er mai en soirée sur le canal 14 de la TNT, 17 avril 2021. Communiqué de presse consultable en ligne : https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Prolongation-de-Culturebox-a-compter-du-1er-mai-en-soiree-sur-le-canal-14-de-la-TNT


- Renaud Revel, Le journal du dimanche, Sauvegarde de France 4, indépendance des médias, nouveaux programmes : Delphine Ernotte détaille ses projets, 8 mai 2021. Article consultable en ligne : https://www.lejdd.fr/Medias/Television/sauvegarde-de-france-4-independance-des-medias-nouveaux-programmes-delphine-ernotte-detaille-ses-projets-4043817


- Twitter, Emmanuel Macron, 18 mai 2021. Tweet consultable en ligne : https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1394681959180296197


- Wikipédia, France 4 [page consultée le 17 août 2021 ; dernière modification de la page le 11 août 2021]. Page consultable en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/France_4


- Wikipédia, Gulli [page consultée le 17 août 2021 ; dernière modification de la page le 6 août 2021]. Page consultable en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gulli


- Wikipédia, Le club Lumni [page consultée le 17 août 2021 ; dernière modification de la page le 2 octobre 2020]. Page consultable en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Club_Lumni


- Wikipédia, Les cahiers de vacances Lumni [page consultée le 17 août 2021 ; dernière modification de la page le 8 février 2021]. Page consultable en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Cahiers_de_vacances_Lumni


- Wikipédia, Le jeu Lumni [page consultée le 17 août 2021 ; dernière modification de la page le 14 avril 2021]. Page consultable en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jeu_Lumni


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