«Rétroscopie» et «La grande incruste» : TF1 mise sur l’humour et la créativité en cette fin d'année
Après l’année globalement éprouvante que nous venons collectivement de passer, nul doute que chacun et chacune d'entre nous apprécierait de pouvoir se changer un peu les idées. Pour nous y aider, fidèle à son slogan, TF1 semble avoir décidé de miser sur l’humour et la créativité en ce mois de décembre. Au programme : carte blanche pour Jean-Paul Rouve sur TMC avec Rétroscopie et pour Camille Combal sur TF1 avec La grande incruste. De quoi bien finir l’année 2020, ou alors bien commencer l’année 2021 pour celles et ceux qui préfèrent choisir leur moment en privilégiant le replay.
Vous préférez imaginer l’avenir de vos stars préférées… ?
«Nous sommes en 2050. Jean-Paul Rouve a 83 ans et il vient de recevoir un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Considéré depuis longtemps comme l’un des plus grands acteurs et réalisateurs de sa génération, il appartient dorénavant au cercle très fermé des derniers monstres sacrés du cinéma français. Pour la première fois, Jean-Paul Rouve a accepté de revenir sur cette carrière unique qui a fait de l’ancien Robin des Bois ‘’le grand Jean-Paul du cinéma français’’.» Tel est le pitch atypique de l’OVNI télévisuel proposé par Jean-Paul Rouve à TMC, chaîne du groupe TF1.
Comme vous pouvez vous en douter, le mélange des genres déroutant mis en avant par ce programme, entre divertissement et magazine, constitue à la fois ce qui fait sa force et ce qui intrigue. En effet, la fausse interview qui sert de cadre à Rétroscopie n’est, par exemple, pas qu’une simple mise en scène, puisque pour rebondir sur les véritables archives diffusées au sujet de l’acteur, des questions tout à fait sérieuses sont posées par Hélène Mannarino, présentatrice du programme, connue pour ses portraits intimes et poussés de personnalités pour la radio Europe 1, et qui a reconnu dans diverses interviews avoir consacré plusieurs semaines à s’immerger pleinement dans la vie de Jean-Paul Rouve.
De cette manière, les téléspectateurs sont invités à (re)découvrir des images de son enfance dans le Nord de la France, de ses débuts avec la troupe comique des Robins des Bois, de son César du meilleur espoir masculin (2003), ainsi que des multiples films qui l’ont rendu célèbre (comme Podium en 2004, RRRrrr !!! la même année, Nos jours heureux en 2006, et surtout Les Tuche depuis 2011). En même temps, se côtoient à ces images des vraies fausses archives de la suite de la carrière imaginée pour et par Jean-Paul Rouve, comme c'est le cas avec un reportage (créé de toutes pièces) ayant fait scandale en 2020 et qui a mis un violent coup d’arrêt à sa carrière, ou encore des images du septième opus des Tuche sorti en 2027 (dans lequel Richard Berry joue un extraterrestre qui a pris la forme d’une frite), une parodie qui sonne comme un clin d'oeil au supposé «film de trop» des Tuche, une critique dont le réalisateur doit entendre parler à chaque nouvelle sortie d'un volet des Tuche. Dès lors, l’ensemble de ces vraies fausses archives sont, pour nous téléspectateurs, autant d’occasions de rire des situations grotesques, des répliques réfléchies qui vont souvent dans le mille, ou des comiques de répétition imaginés par Jean-Paul Rouve.
Pour autant, pour être crédible dans le rôle de «monstre sacré du cinéma français», il fallait à Jean-Paul Rouve un solide casting autour de lui, ce dont il est parvenu à réunir. Ainsi, les vraies fausses confidences au sujet de l’acteur recueillies auprès de personnalités telles que Gérard Depardieu, Marina Fois, Dominique Farrugia, Alain Chabat et même… un président de la République française, contribuent grandement au côté loufoque du programme.
Nul doute que le caractère comique de ce genre de programme parodique a certainement échappé à plus d’une personne. Néanmoins, pour celles et ceux qui avaient notamment trouvé hilarant l’épisode spécial du jeu Burger Quiz (auquel avait, d’ailleurs, participé Jean-Paul Rouve) qui rendait hommage à Gérard Darmon, dix ans après sa disparition (l'acteur qui, pour rappel, est toujours bel et bien vivant), ce programme, dans la même veine, est clairement fait pour vous.
…ou plutôt pouvoir les côtoyer dans les programmes télés que vous aimez ?
Dans un autre registre, TF1 a également laissé une totale liberté à son animateur phare du moment, Camille Combal, pour lui soumettre son propre projet d'émission. Si en arrivant sur TF1, ce dernier a principalement gagné ses galons de présentateur de gros shows évènementiels dans la case stratégique du prime-time (soirée), les émissions dans lesquelles l’animateur excelle le plus reste celles où il peut laisser libre court à son imagination, son humour et son énergie, comme c’était le cas avec Plan C en 2019 et en 2020.
Ainsi, avec La grande incruste, Camille Combal renoue avec un exercice qu’il connait bien. En effet, lorsque l’animateur n’était encore que chroniqueur pour Cyril Hanouna dans Touche pas à mon poste sur D8/C8, il lui arrivait, dans le cadre d’une séquence de son Poste de surveillance, qui se proposait, pour rappel, de faire le tour des images marquantes des dernières vingt-quatre heures à la télévision, de «squatter» directement les programmes télés pour ne manquer aucune image.
Source: Compte Youtube de Touche pas à mon poste
En comparant cette séquence à La grande incruste, nous pouvons constater que, même passé d’une chaîne à une autre, l’essence est la même : de la perruque et des gags simples et courts qui font mouche.
La différence majeure entre les deux contenus se trouve, bien entendu, dans les moyens à disposition. En faisant l’objet d’une version longue en prime-time (soirée) sur TF1, l’animateur a clairement pu voir les choses en grand. Cette fois, il est moins question de faire appel à un fond vert que de tourner de véritables scènes avec les protagonistes des programmes télés dans lesquels Camille Combal veut s’incruster. Dès lors, il est d’autant plus plaisant de constater qu’un grand nombre d’incarnations de TF1 ont joué le jeu. Le sketch le plus parlant à ce propos est certainement la scène d’introduction du programme, sketch qui met en scène Camille Combal, chez lui, devant sa télévision, qui se rend compte qu’il a oublié de déposer la cassette contenant son programme à la régie de TF1. Dans cette scène, l’animateur se précipite donc jusque la régie, dont il ne connaît pas l’emplacement au sein du siège de la chaîne, ce qui le conduit à déambuler de plateaux en plateaux, que ce soit celui du journal de Gilles Bouleau, des 12 coups de midi de Jean-Luc Reichmann, ou encore de la météo d’Evelyne Dhéliat, jusqu’à arriver à l’endroit recherché.
Outre le casting du programme, la diversité des contenus dans lesquels Camille Combal s’est incrusté est aussi appréciable. L’animateur a certes parodié un grand nombre de programmes de TF1 connus de ses téléspectateurs et téléspectatrices, mais aussi plusieurs programmes populaires des chaînes concurrentes, ainsi que des scènes de films cultes et des morceaux de musique célèbres. En même temps, cette richesse est peut-être également l’une des faiblesses du divertissement. En effet, pour une question de rythme, La grande incruste alterne véritables parodies de programmes télés et courtes séquences montrant de simples incrustes dans divers contenus précédemment mentionnés. Seulement, ces dernières ne sont pas toujours très abouties, reposant souvent sur l’accoutrement de l’animateur pour prêter à rire plutôt que sur un véritable gag. Par conséquent, certaines de ces scènes donnent surtout l’impression que l’animateur s'est octroyé un plaisir personnel, qui n'est donc pas véritablement compris et partagé par autrui. De plus, le fait que des scènes de cinéma ou des clips de musique fassent, elles aussi, l'objet d'incrustes parait superflu du fait qu’elles brouillent légèrement la promesse de départ du programme, qui consistait à s’incruster dans les programmes télés les plus plébiscités par les téléspectateurs et les téléspectatrices. Même chose pour certains sketchs comme celui sur le déficit de notoriété de Camille Combal ou la pseudo-rivalité avec Karine Ferri avec qui il co-anime Danse avec les stars, aussi réussies soient ces sketchs.
En dehors de la qualité parfois inégale des sketchs proposés, il n'empêche que Camille Combal a su relever haut la main un défi que les chaînes de télévision n’osent plus trop se fixer tant l’humour constitue un investissement risqué : proposer une émission parodique. Si l’humour est davantage segmentant que rassembleur, les sketchs, ici, prennent car ils reposent souvent sur Camille Combal, une personnalité relativement consensuelle du fait de sa bonhommie, par qui les gags, légers et bon enfant, passent mieux. A noter, parmi l’ensemble des sketchs proposés, trois d’entre eux, particulièrement drôles : celui de la réunion d’animateurs anonymes (avec Julien Arnaud, Louis Bodin, Frédéric Calenge, Alexandre Devoise, Grégoire Margotton et Nelson Monfort), l’incruste dans la série Balthazar (avec Tomer Sisley et Hélène de Fougerolles), ou encore celle dans le programme court Petits plats en équilibre (avec Laurent Mariotte).
Comments