Le casting (n°1) : «Touchées» (TF1)
Allez, c’est bon. J’ai assez travaillé pour aujourd’hui, je vais plutôt me changer un peu les idées ce soir. Et si je regardais ce qu’il y a de beau à la télévision en replay ? Qu’est-ce que je pourrais regarder ? Tiens, c’est quoi ça, «Touchées» ?
- Bonsoir. Je suis «Touchées».
- Touché de quoi ? Je ne vous ai pas encore choisi.
- Non mais… Il s’agit de mon nom, «Touchées».
- Ah, pardon, autant pour moi. Enchanté.
- Vous voulez du gâteau ? J’en ai cuisiné un.
- Euh… Non merci. C’est gentil mais je n’ai pas particulièrement faim là. Revenons-en à nos moutons : vous êtes une série ou un téléfilm ?
- Un téléfilm.
- Ah, ça tombe bien, je n’ai pas trop le temps de me lancer dans une nouvelle série en ce moment. Quel genre de téléfilm ?
- Un drame.
- D’accord… Je vous écoute alors. Pouvez-vous vous présenter ?
- Alors, je m’appelle «Touchées». Mon histoire est celle d’une mère, Lucie, incarnée par Mélanie Doutey, et de son petit garçon, prénommé Léo. Tous deux vivent depuis peu dans un appartement qui leur a été mis à disposition par une association qui vient en aide aux personnes victimes de violences conjugales ou sexuelles. En l’occurrence, iels fuient David, l’ex-mari de Lucie et père de Léo. Mais cette association ne propose pas uniquement un toit à Lucie : elle organise une thérapie de groupe basée… sur la pratique de l’escrime. Un moment avant tout de rencontre, de partage, voire de sororité entre les membres du groupe qui sympathisent entre elles au fil des séances, mais aussi une manière cathartique pour toutes ces personnes d’extérioriser ce qu’elles ressentent et d’aller de l’avant. Lucie y rencontre notamment Nicole, une femme qui vit seule avec son chien, jouée par Claudia Tagbo, et Tamara, une jeune femme qui habite encore avec sa mère, interprétée par Chloé Jouannet. Ensemble, elles vont se soutenir tant bien que mal dans les épreuves qu’elles traversent mutuellement, en particulier le jour où David finit par retrouver la trace de Lucie et Léo…
- Intéressant ! On ne rappellera jamais assez que les violences conjugales sont un fléau dont il faut se donner les moyens de combattre dans nos sociétés. C’est une bonne chose que de plus en plus de productions télévisées abordent ce sujet, de manière centrale ou non. Tant qu’il semblera nécessaire de faire un travail de sensibilisation et d’éducation à ce propos, ces productions seront utiles.
- Je suis bien d’accord. D’ailleurs, vous pourrez constater que j’insiste sur le fait que ces violences peuvent arriver à n’importe qui : le groupe qui participe à l’escrime thérapeutique est composé de femmes à la fois blanches et racisées, jeunes, âgées et entre les deux âges. De même, je tiens à préciser que si je mets en avant la question des violences conjugales à travers le personnage de Lucie, les questions de l’inceste et du viol par des proches autres que la famille sont également évoquées à travers d’autres personnages principaux.
- Oh, c’est bon à savoir !
- Je me rends compte que me produire sur TF1 ce 22 septembre s’inscrit, sans le vouloir, dans un contexte particulier, mais cela donne finalement d’autant plus d’écho au message que je porte… !
- Par rapport à l’affaire de violences conjugales qui implique le cadre de La France Insoumise Adrien Quatennens vous voulez dire ?
- Oui, et aussi celle qui vise le premier secrétaire d’Europe-Ecologie Les Verts et co-président du groupe écologiste à l’Assemblée Nationale Julien Bayou. Ou encore l’affaire PPDA qui est relancée par deux nouvelles plaintes et un signalement pour viols et agressions sexuelles par trois femmes. Mais je pourrais encore en citer d’autres qui ont tristement fait parler d’eux ces derniers jours.
- Je n’y avais pas pensé, mais vous avez raison. Maintenant, même s’il s’agit de sujets qui me touchent, comme je l’ai dit précédemment, il existe désormais de multiples téléfilms et séries qui traitent des violences conjugales et sexuelles. Qu’est-ce qui fait que ce téléfilm vaille le coup d’être regardé ? Qu’est-ce qui le distingue de ceux que j’ai déjà pu voir par le passé ?
- Je peux vous poser, à mon tour, une question ?
- Euh… Oui ?
- Est-ce que vous vous demander la même chose lorsqu’il s’agit, par exemple, d’une série médicale ou policière ?
- Je ne suis pas sûr de bien comprendre où vous voulez en venir…
- Ce que je veux dire, c’est que vous avez tort de vous poser cette question pour les téléfilms et séries qui traitent de violences conjugales et sexuelles alors que vous ne le faites certainement inconsciemment pas lorsqu’il s’agit d’autres thématiques dont on peut, à première vue, avoir vite fait le tour. Vous pouvez très bien avoir déjà vu «L’emprise» et «Jacqueline Sauvage : c’était lui ou moi», pour ne citer que d’autres productions récentes de TF1, et me regarder également. Comme pour d’autres thématiques, il existe de nombreuses manières d’aborder ces sujets. En l’occurrence, ce qui est particulièrement intéressant ici, c’est que je me concentre sur «l’après». D’emblée, je présente toutes ces femmes dans leur phase de reconstruction, après qu’elles aient eu le courage et les moyens, pour la plupart, de fuir leur foyer et leur compagnon ou mari violent. En général, les productions télévisées sur ces sujets se concluent plutôt au début de cette phase.
- Effectivement. Celles que j’ai déjà vu ont plutôt tendance à s’intéresser à la dynamique d’emprise que peut instaurer une personne sur une autre et qui conduit à ces violences.
- C’est souvent le cas, oui.
- Et vous ne tombez pas trop dans le pathos ? C’est le principal risque et défaut des productions télévisées qui abordent ces sujets…
- Non. Vous verrez que je tends plutôt vers une certaine justesse. J’essaie de montrer que ces violences, si elles vous arrivent, constituent une épreuve difficile mais pas insurmontable. Si vous me choisissez, vous découvrirez des femmes brisées mais qui restent dignes et fortes. Mélanie Doutey, Claudia Tagbo et Chloé Jouannet sont particulièrement convaincantes dans ces rôles de femmes bien différentes mais pleines de pudeur, qui se révèlent touchantes dans la façon dont elles s’apprivoisent progressivement, en douceur, restant quelque peu sur leurs gardes et ayant du mal à faire de nouveau confiance à quelqu’un depuis le traumatisme qu’on leur a causé.
- Ce sont vos points forts d’après vous ?
- Pas seulement. J’ai aussi le sentiment de réussir à prendre en compte et mettre en avant un enjeu essentiel et inhérent à «l’après» : la question du temps, du temps long. Vous pourrez constater par vous-même que tout au long de ce que je propose, chacun des trois personnages principaux avance à son rythme et soutient les autres au leur. Parce que se réapproprier son corps et retrouver le sentiment d’avoir le contrôle sur sa vie prend du temps. Comme de regagner confiance en soi. Comme de parvenir à mettre des mots sur les violences que l’on nous a fait subir – et il est possible, à ce titre, de mieux comprendre, grâce au personnage de Tamara, pourquoi une victime met souvent beaucoup de temps avant de porter plainte –. Comme d’avoir une nouvelle vie. Ou encore comme de parvenir à tourner cette page de sa vie marquée par des violences. Tout ceci demande du temps, beaucoup de temps. C’est pourquoi, même si les vies de Lucie, Nicole et Tamara connaissent toutes un évènement qui fait office de dénouement au récit que je fais de celles-ci, ce récit ne connaît pas vraiment de fin en réalité. Parce qu’après tout, le processus de reconstruction qu’entament les personnes victimes de violences ne s’achève jamais réellement. Marquées à vie par celles-ci, il y a un «avant» et un «après». Elles ne pourront jamais redevenir les personnes qu’elles étaient avant ces violences, elles deviennent simplement différentes.
- Je vois ce que vous voulez dire. Parlons chiffres à présent. Est-ce que, par curiosité, du monde a suivi votre représentation le 22 septembre dernier ?
- Pour être tout à fait honnête, pas autant que je l’espérais. Environ 2,7 millions de personnes, plus exactement. Cela représente environ 14% du public qui était devant sa télévision ce soir-là. TF1 était alors la troisième chaîne la plus suivie. Mais pour ma défense, je rappelle que le signal de TF1 est coupé depuis une vingtaine de jours sur les box Canal, ce qui fait que beaucoup de monde n’a pas pu assister à ma représentation. Peut-être était-ce votre cas d’ailleurs... ?
- Pas vraiment. J’étais un peu passé à côté pour tout vous dire. Mais les choses sont réparées à présent. Je pense qu’avec tout ce que vous m’avez dit, mon choix est désormais fait. Avez-vous une dernière chose à ajouter ?
- Oui, trois même !
- Très bien, je vous écoute dans ce cas.
- Et bien, tout d’abord, je précise que c’est Alexandra Lamy qui a accouché de moi…
- Oh, j’aime bien cette actrice ! J’ignorais qu’elle fait aussi dans la réalisation…
- Elle s’y essaie justement, je suis sa première réalisation.
- Je vois… Que vouliez-vous me dire d’autre sinon ?
- Que si vous préférez plutôt les romans graphiques aux séries, sachez que j’ai aussi un frère jumeau.
- Votre représentation est une adaptation si je comprends bien ?
- C’est cela. D’un roman graphique de Quentin Zuttion paru en 2019. Rien ne vous empêche également de le lire après avoir assisté à ma représentation, si je vous ai séduit.
- C’est noté ! Et la dernière chose ?
- Au cas où je ne vous aurais pas convaincu, je tiens quand même à profiter d’avoir pu au moins passer ce casting pour vous rappeler, ou peut-être vous apprendre, des numéros de téléphone importants qu’il ne faut pas hésiter à partager car ils peuvent potentiellement être d’une aide précieuse pour certaines personnes: le 3919 pour se signaler en tant que victime de violences conjugales ; le 119 pour les enfants en danger ; et plus largement, le 17 ou le 18 pour appeler en urgence la police ou les pompiers, ou encore le 114 pour les personnes sourdes ou malentendantes. L’appel est, dans tous les cas, gratuit et disponible 24h/24 7j/7.
- Le message est passé. Merci beaucoup. C’est bon pour moi.
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