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Delphine & Philippe #07: Festival Séries Mania 2021



Nous aurons beau essayer de justifier au mieux la pertinence de notre jugement à l’aide d’arguments concrets et techniques, la critique d’une œuvre artistique, telle qu’une série, reste avant tout clairement subjective puisqu’elle est le fruit d’un ressenti, d’une confrontation avec une sensibilité à certains genres, à certaines thématiques ou à certains traits de personnalité, tant de celui ou celle qui rédige cette critique que de celui ou celle qui la lit. Ici, à travers les multiples échanges développés entre eux ou avec leurs entourages par deux personnages nommés Delphine et Philippe, assumons pleinement cette part de subjectivité à travers ce récit fictionnel et concentrons-nous sur l’objectif premier d’une critique : une personne essaie de donner envie (ou non) à une autre de découvrir quelque chose qu’il a regardé (ou écouté). Pour ce septième épisode, penchons-nous sur plusieurs séries découvertes partiellement et en avant-première à l’édition 2021 du festival international de séries de Lille Séries Mania, à savoir «We are Lady Parts», «Brigade mobile», «Or de lui» et «Sort of».




Philippe souffle délicatement sur le chocolat chaud qui vient de lui être servi et duquel s’échappe une légère mais abondante fumée. Au regard de la fraicheur inattendue en cette soirée d’août, il a préféré cette boisson à un cocktail qu’il aurait volontiers pris pour conclure cette soirée en beauté si la météo en avait décidé autrement. Toutefois, si le journaliste n’est pas contre l’idée de se réchauffer un peu, il n’est pas à ce point pressé pour risquer de se brûler le palais en dégustant un chocolat très chaud plutôt qu’un chocolat chaud. De son côté, le café de Delphine a été servi à une température plus convenable, ce qui lui permet déjà de le siroter. Autour du couple, les multiples terrasses qui peuplent la grande place lilloise ne sont pas aussi bondées que lors des chaudes voire caniculaires soirées estivales auxquelles sont habitués Delphine et Philippe, néanmoins elles connaissent quand même une affluence digne de réchauffer, elle, le cœur des commerçantes et commerçants de la place. Il faut dire que le spectacle offert à la nuit tombée par ce lieu est toujours plaisant à voir, avec toutes ces lumières qui mettent en avant et en valeur les belles façades décorées des bâtiments héritées des derniers siècles qui entourent la place, qui plus est avec le beffroi en toile de fond.


- A Séries Mania ! lance Philippe, tout en saisissant sa tasse et en faisant mine de trinquer, avant de se risquer à boire une gorgée de son chocolat chaud.

– Oui ! Ça y est, le festival est déjà fini. La semaine a filé à une de ses vitesses… ! fait remarquer Delphine. – Je ne te le fais pas dire ! Elle a dû passer d’autant plus vite pour toi du fait que tu avais ta rentrée à finir de préparer en parallèle… ajoute Philippe.

– Oui, ce qui m’a, d’ailleurs, fait rater quelques projections auxquelles j’aurais bien aimé me rendre sur la fin du festival… C’est comme ça, je n’ai pas eu de chance. Le covid a poussé les organisatrices et organisateurs a reporté le festival le printemps dernier et il a fallu que ça tombe pile en cette période de rentrée… Le festival se serait tenu au cours de l’année scolaire, j’aurais pu espérer que les projections qui m’intéressent tombent le week-end ou à des horaires où je n’ai pas cours. Là, entre les préparatifs de la rentrée à boucler et la rentrée elle-même à assurer, il fallait que je sois à fond… Tu as de la chance d’avoir pu couvrir le festival pour ton journal !

- Ce n’est pas grave, ce sont principalement des avant-premières qui sont proposées. Tu auras tout le loisir de découvrir ces séries lorsqu’elles seront enfin diffusées sur les écrans !

– Probablement… Mais tu sais comme moi que certaines de ces séries viennent de loin, de pays non-francophone ni anglophone ou de chaînes télévisées et de plateformes de streaming peu connues. Il y a donc peu de chance que je puisse les visionner en ligne un de ces quatre.

– Peut-être… Mais retient plutôt toutes les chouettes séries que tu as pu découvrir parmi la soixantaine proposée cette année, qui plus est, dont, comme tu l’as évoqué, des séries que tu n’aurais certainement jamais entendues parler pour tout un tas de raisons sans ce festival, non ?

– Tu as raison… Il y en a, en plus, plusieurs qui m’ont tapé dans l’œil cette semaine !

– Ah oui, lesquelles ?


– Je pense, en premier lieu, à «We are Lady Parts». Je ne sais pas si tu t’en rappelles mais c’est une comédie anglaise à l’antenne de la chaîne télé Channel 4 et qui devrait, en France, être bientôt diffusée sur la plateforme de streaming de Brut, Brut X.

– Oui, je m’en souviens ! Cette série m’avait aussi fait très bonne impression. C’est l’histoire d’un petit groupe de punk rock composé de trois femmes musulmanes hautes en couleur, Saira, Ayesha et Disma, et conseillé par leur manageuse, Momtaz, elle aussi musulmane, qui cherche une guitariste dans l’espoir que le groupe progresse et ait, ainsi, plus de chance de décrocher enfin un concert. Rien que là, le ton est donné quand on sait le peu de libertés généralement accordées aux femmes dans les pays musulmans, sans compter que ce pitch tranche avec l’image de soumission et d’effacement souvent associée à la femme musulmane dans sa représentation diffusée dans les médias et la fiction occidentales. Leur chemin croise alors par hasard celui d’une autre jeune femme musulmane, Amina, qui est certes douée pour jouer de la guitare, dont elle aime donner des cours durant son temps libre, mais dont on a, de prime abord, du mal à imaginer dans ce genre de groupe : elle préfère la musique douce, elle réalise des études scientifiques, sa préoccupation première est de trouver un mari comme le font toutes ses copines musulmanes… Bref, elle a davantage le profil de la fille sérieuse et timide qui veut se fondre dans la masse que les filles du groupe.

– C’est ça. Les six épisodes de la série mêlent donc le récit de l’intégration mouvementée d’Amina au groupe, des déboires sentimentaux de la jeune femme dans sa recherche d’un mari, des difficultés du groupe à se faire connaitre et se produire, et en même temps de la gestion d’Amina de ce que nous pourrions qualifier de double vie (du fait qu’Amina ne veuille pas dire à ses amies qu’elle se produit dans un groupe de musique par peur d’être mal vue, déjà que sa meilleure amie désapprouvait le fait qu’elle fasse de la guitare et donne des cours).

– Et qu’est-ce qui fait que cette série t’a marqué ?

– Et bien, je dirais que ça fait simplement du bien de montrer et de voir à l’écran des femmes qui, même si leur vie n’a rien d’idyllique, chérissent leur liberté en faisant ce qu’elles aiment (de la musique ici) et veulent (par exemple, exprimer son désaccord avec la tradition en refusant de se marier), des femmes à la fois pétillantes, indépendantes, charismatiques et qui n’ont pas leur langue dans leur poche. De plus, pour les raisons que tu as évoquées juste avant, c’est d’autant plus satisfaisant de voir ce genre de représentation être véhiculé par des personnages de femmes musulmanes.

– Je suis bien d’accord avec toi. Au-delà de ses personnages que tu as très justement décrits, je trouve que cette série est d’une réelle fraicheur de par la réflexion qu’elle porte notamment entre féminisme et foi (musulmane), deux enjeux communément perçus comme incompatibles mais qui donnent, à mon sens, matière à débattre. C’est pourquoi ça m’étonne qu’il s’agisse d’un angle rarement abordé et traité dans les séries.

– Je trouve aussi, et c’est en cela que celle-ci est résolument moderne : cette série témoigne bien, à travers le personnage d’Amina, qu’il est possible de concilier ces deux enjeux, qu’il est possible de considérer le mariage et la maternité comme des objectifs de vie et en même temps, de réaliser des études pour exercer un métier dans des domaines traditionnellement réservés aux hommes tout en s’épanouissant en faisant de la musique punk rock le soir venu. Cette série ne véhicule pas fondamentalement d’injonction à l’émancipation féminine. Le féminisme qu’elle porte, c’est celui qui revient à penser que chaque femme est maitresse de son existence, a le choix.

– Je partage ton avis. En y réfléchissant bien, dans ce que nous avons pu voir de la série dans les quatre premiers épisodes qui ont été diffusé, aucun profil-type de personnage féminin, que ce soit la femme féministe incarnée par les membres de «Lady Parts» ou la femme qui a choisi une vie plus traditionnelle comme les amies d’Amina, n’est clairement dénigré.

- C’est vrai. En tout cas, j’ai hâte de découvrir les deux derniers épisodes !

– Moi aussi ! A noter, au passage, que la série a été récompensé lors de la cérémonie de clôture par l’obtention du prix des étudiants, ce qui n’est quand même pas rien !

– Tu as raison de le rappeler oui.

– En dehors de «We are Lady Parts», tu pensais à une autre série ?


– Oui, j’ai également beaucoup apprécié «Brigade mobile», ajoute Delphine. J’ai trouvé ça à la fois léger et assez drôle. Ça te dit aussi quelque chose ?

– Oui, c’est une comédie qui sera bientôt diffusée sur le site internet d’Arte, non ? suggère Philippe.

– Exact. La série raconte l’histoire d’une jeune gendarme, Audrey Langlois, qui s’enthousiasme de voir un meurtre frapper la région au moment où une équipe de télévision la suit dans son quotidien de force de l’ordre. Elle se dit alors qu’elle va pouvoir jouer un rôle majeur dans la résolution de l’enquête sous les yeux des caméras, et ainsi prouver qu’elle mérite d’intégrer la brigade de recherche.

– C’est ça. Le problème est que, pour l’heure, Audrey Langlois est affectée à la brigade mobile, un service de proximité qui se déplace dans un camping-car floqué aux couleurs de la gendarmerie. De plus, la gendarme qui l’accompagne, l’adjudante cheffe Lily Frédérique, est du genre singulier et a du mal à se laisser convaincre de se lancer dans la poursuite du ou de la responsable du meurtre.

– Singulière, je crois que c’est le mot ! En fait, le potentiel comique de la série repose sur les multiples décalages qu’elle montre, que ce soit entre ces deux gendarmes, le fait qu’elles poursuivent un tueur ou une tueuse en camping-car, les situations cocasses, ridicules ou absurdes qui prêtent à rire mais qu’elles affrontent toutes deux avec le plus grand sérieux au cours de leurs déambulations…

- Je suis d’accord. S’ajoute aussi à cela le fait qu’il semble s’agir d’un mockumentaire, ou documenteur (appelle ça comme tu veux), c’est-à-dire que la fiction est présentée sous la forme d’un documentaire, ou plus exactement d’un reportage ici.

– Oui, ce que l’on voit est le supposé reportage de l’équipe de télévision qui suit Audrey Langlois. Enfin, étant donné qu’aucune voix-off n’a été ajouté, on peut se demander s’il s’agit d’un documentaire sans commentaires à la façon de l’ancienne émission de télé «Strip-tease», ou bien s’il s’agit des images brutes du supposé tournage du reportage…

- Bonne question. Au début du premier épisode, on peut voir clairement Audrey Langlois expliquer à son supérieur, qui s’interroge quant à la présence de caméras, qu’il s’agit d’une chaîne de télévision qui vient filmer son quotidien de gendarme et qu’elle l’avait prévenu. Dans un reportage terminé, ce genre de séquence n’y apparaîtrait pas. En même temps, on sent dans la fluidité de l’enchaînement et de la structuration des images qu’un travail de montage a été effectué, donc nous pourrions très bien avoir à faire avec un reportage terminé. Au fond, je ne saurais dire précisément ce que l’on regarde.

– J’ai envie de dire, peu importe. Ce qui compte est le sens qui a voulu être donné en prenant ce parti-pris. Ici, je pense qu’au-delà de tourner gentiment en dérision les forces de l’ordre, qui sont devenues une source facile et récurrente de moqueries, il y a aussi une volonté de rire un peu des nombreux reportages télé qui prétendent raconter le quotidien des forces de l’ordre mais qui ne montrent pas grand-chose d’intéressant ou qui ne sont pas forcément très valorisant pour les forces de l’ordre.

– Certainement… D’un autre côté, hormis le fait que ce format de mockumentaire soit utilisé dans le cadre d’une comédie, je ne vois pas trop ce qui te fait penser que ce type de reportage télé est moqué vu que, par exemple, comme tu l’as évoqué, iels se privent d’une voix-off pour commenter le reportage alors que celle-ci aurait pu constituer un formidable instrument pour en rire du fait que les voix-off en font souvent des caisses dans ce genre de reportage. Bref ! Tu crois qu’on va revoir la déjà fameuse statue de marmotte avec la perruque blonde et le collier de fleurs qui danse sur le refrain de «Haut les mains» d’Ottawan ?

- Celle kitch à souhait que Lily Frédérique a offerte à Audrey Langlois pour leur premier jour ensemble ? Je l’espère ! s’esclaffe la professeure. Il lui reste, en tout cas, trois épisodes sur les dix que la série en compte pour qu’elle refasse une petite apparition ! Et sinon, en ce qui te concerne, y a-t-il des séries que tu as découvertes cette semaine et qui t’ont marqué ? l’interroge ensuite Delphine.


- Bien sûr ! Je pense notamment à «Or de lui», une comédie dramatique qui devrait bientôt être diffusé sur la plateforme en ligne de contenus de France Télévisions, France·tv, cite Philippe.

– Cette série ne me dit rien, je n’ai pas dû la voir. De quoi parle t-elle ?

– Alors, cette série raconte l’histoire de Joseph, incarné par Ramzy, un homme quelque peu lassé par son quotidien : il est commercial dans une petite entreprise où il a du mal à s’intégrer et avec un patron assez désagréable avec lui, il est de moins en moins sur la même longueur d’onde avec sa femme… Jusqu’au jour où Joseph découvre avec stupéfaction qu’il se met à déféquer de l’or.

– Pardon ? Mais c’est grotesque ! s’exclame Delphine, à la fois surprise et amusée.

– Attends avant de juger ! Je n’ai pas fini ! C’est sûr qu’à première vue, on croirait à une grosse plaisanterie mais au-delà de l’absurdité de la situation de départ, cette série est bien plus fine et profonde qu’elle n’en a l’air.

– Ah oui ?

– Oui parce que Joseph s’est rapidement rendu compte que ce phénomène est apparu et se produit à chaque fois que sa femme le trompe, en l’occurrence avec le mari d’une voisine.

– Oh… !

– Du coup, Joseph est d’autant plus déstabilisé et perdu : il avait déjà du mal à comprendre comment un phénomène aussi improbable peut se produire qu’en plus, il doit encaisser la découverte de la tromperie de sa femme. Se pose alors à lui un dilemme délicat : préfère t-il mettre son couple et lui à l’abri financièrement, voire avoir de quoi faire des folies et réaliser des projets qu’il ne pouvait pas jusqu’à présent, quitte à savoir sa femme dans les bras d’un autre homme et risquer que leur couple éclate ? Ou bien veut-il se donner le maximum de chances de sauver son couple en coupant tout de suite court à la relation extraconjugale de sa femme, sachant, par conséquent, qu’il perdra son «don» dont il aura à peine pu profiter ?

– Pas simple comme situation, effectivement…

- Je te sens encore un peu sceptique mais je t’assure que cela offre un scénario intéressant avec pas mal de rebondissements qui, si la seconde moitié de la série est à l’image de la première moitié que j’ai pu voir, permet sans problème d’être raconté sur dix épisodes.

– Mais je ne demande qu’à être surprise !

– Je te l’accorde, pour ce qui est des personnages, ils ne versent pas dans la subtilité. A l’instar de «Brigade mobile», le comique de la série repose autant sur les situations que sur les personnages. Iels ont donc forcé un peu le trait de ces derniers. Mais même si leur réalisme n’est pas leur qualité première, ils peuvent, malgré tout, se montrer réellement attachants. Je pense surtout à Jacques, qui incarne un informaticien certes assez caricatural qui travaille dans la même entreprise que Joseph (dans le sens où il s’agit d’un geek, tantôt naïf tantôt un peu idiot, qu’il est timide, ne se fait donc respecter par personne dans l’entreprise et n’a pas d’amis) mais dont on se prend vite d’affection dès lors que Joseph se rapproche bon gré mal gré de lui et que nous apprenons à le connaître. La scène où Jacques découvre le secret de Joseph est, par exemple, géniale puisqu’il a une réaction hilarante à laquelle on ne s’attend pas, imaginant notamment, à partir de là, Joseph comme un super-héros qui viendrait de découvrir son super-pouvoir et se rêve en partenaire de Joseph dans un duo de justiciers à la Batman et Robin. Et en fin de compte, ces conseils en apparence saugrenus basés sur ses connaissances de l’univers des super-héros se révèlent être d’une grande aide pour permettre à Joseph de savoir comment réagir face à son «don».

– Je vois… Ecoute, tu me préviendras lorsque la série sera diffusée, peut-être que je me laisserais tenter, au moins pour me faire une idée plus précise de cette série en regardant les deux premiers épisodes.

– Ça marche ! Tu verras, cette série n’a pas de grandes prétentions mais elle devrait te faire passer de chouettes moments !

– On verra ! Tu ne retiens que «Or de lui» du festival ?


- Non, du tout ! Je garde aussi en mémoire la comédie dramatique canadienne «Sort of», programmée sur la chaîne télé anglophone CBC TV et qui devrait, en France, être prochainement visible sur Téva.

– «Sort of», tu dis ?

– Oui. L’intrigue n’est pas ce qui m’a donné le plus envie de découvrir cette série puisqu’elle ne propose, en soi, rien de bien nouveau : c’est l’histoire de Sabi, qui questionne beaucoup d’aspects de sa vie et ne sait pas trop où iel en est. Le jour, Sabi fait du babysitting ; la nuit, Sabi travaille dans un bar. Lorsque sa meilleure amie 7ven lui propose de l’accompagner vivre à Berlin, Sabi hésite, y voyant l’opportunité de tout reprendre à zéro pour espérer connaître une meilleure vie. Seulement, suite au grave accident de la mère des deux enfants que Sabi babysittait et dont iel se sentait proche, Sabi renonce à partir pour prêter main forte au père, complètement dépassé par les évènements et jusqu’à présent peu investi dans son rôle de père.

– Qu’est-ce qui t’a donné envie de découvrir cette série dans ce cas ?

– C’est son personnage principal, Sabi.

– Pourquoi ?

– Parce qu’il est décrit comme non-binaire. De plus, même si je sais pertinemment qu’être non-binaire est une question d’identité de genre qui n’est pas forcément corrélée à l’expression de genre de l’individu (dans le sens où une personne qui se définit comme non-binaire peut être identifiée par quelqu’un comme un homme ou une femme parmi d’autres, elle n’a pas forcément une coupe de cheveux et un style vestimentaire androgyne et ambigu), Sabi est clairement identifiable en tant que non-binaire, même aux yeux des téléspectatrices et téléspectateurs les moins informés sur les questions de genre, grâce à son expression de genre. Et je trouve ça formidable en terme de représentation que le rôle principal d’une série soit accordé à un personnage qui s’affirme clairement en tant que non-binaire, d’autant que sa meilleure amie semble également queer.

– Oh, je vois ! Je partage totalement ton avis. Non seulement l’existence et la démocratisation de ce genre de personnages dans la fiction, et plus largement de la présence de personnes non-binaires à la télévision, peut permettre à un certain nombre de téléspectatrices et téléspectateurs d’avoir enfin quelqu’un à qui s’identifier et de mettre potentiellement des mots sur ce qu’elles ressentent, mais également de permettre de banaliser l’existence des personnes non-binaires dans nos sociétés, existence qui n’a rien de récent (aucune visibilité ne leur était simplement accordée auparavant), sans compter qu’elle n’a aucune raison d’être mal vue.

– Voilà. En regardant cette série, j’étais donc principalement curieux de voir si elle apporte une visibilité bienvenue tant elle est rare sur le sujet du questionnement de l’identité et de l’expression de genre, ou bien si elle participe uniquement à diffuser une vision stéréotypée des personnes non-binaires.

– Et alors ? Verdict ?

– Alors je suis satisfait de constater, du moins sur la première moitié de la série qui a été projeté à Séries Mania, que toute la série ne tourne pas autour de la méfiance ou du rejet dont peut faire l’objet Sabi à cause de son identité de genre. Bien entendu qu’il est important que des séries montrant des personnages qui remettent en cause et interrogent leur identité de genre existent. Bien sûr que la réalité qui attend les personnes qui se revendiquent comme non-binaires vis-à-vis du regard d’autrui n’est pas à écarter. Ce sujet est, d’ailleurs, traité dans «Sort of», à travers une des intrigues qui concerne la relation compliquée qu’entretiennent Sabi et sa mère, notamment du fait que Sabi craint, en l’occurrence à juste titre, la réaction de sa mère face à l’expression de sa non-binarité. Toutefois, la série montre un personnage non-binaire qui est aussi autre chose que non-binaire. La série évoque notamment la relation tumultueuse de Sabi avec son petit copain, son manque de perspective professionnelle, le poids de ses origines pakistanises, et surtout la position délicate dans laquelle iel est entre sa volonté de ne pas décevoir sa meilleure amie avec qui iel aimerait partir à Berlin et qui compte sur iel, et en même temps celle de ne pas abandonner au pire moment cette famille pour qui iel travaille et à laquelle iel est attaché.

– Je comprends ce que tu veux dire… Et le rôle de Sabi a été confié à une personne elle-même non-binaire ?

– Si je ne dis pas de bêtises, il me semble. Et heureusement ! Je ne suis pas partisan de cette idée selon laquelle les rôles devraient être joués que par des personnes concernées, mais dans un souci d’adéquation du personnage avec la personne qui l’incarne, et au regard de tous ces acteurs non-binaires qui existent et qui ne demandent qu’à pouvoir jouer, ça me paraissait évident que le rôle de Sabi doive revenir à une personne non-binaire, non ?

– Si, tant qu’à faire, c’est quand même mieux…


Delphine consulte l'heure sur sa montre accrochée à son poignet droit.


- Tu viens à bout de ton chocolat chaud ? l’interrompt la jeune femme.

– Ça vient bon, pourquoi ? lui demande Philippe.

– Pour savoir. Inutile de te presser pour le finir, c’est juste que je suis un peu fatiguée et que je remarque qu’il commence à se faire tard. Je préfèrerais être en forme pour mes cours demain, explique Delphine.

– Ah, oui, bien entendu, je comprends, assure le jeune homme. On ne va pas traîner dans ce cas ! dit-il, avant de boire une nouvelle gorgée de son chocolat qui a bien eu le temps de refroidir depuis tout à l’heure.







Pas de bande-annonce encore dévoilée pour «Brigade mobile» et «Or de lui»


Bande-annonce de «Sort of» : https://www.youtube.com/watch?v=NJHVEwILuDI

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