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De A à Z: Retour sur la saison télé 2019-2020 (partie 1)


Ça y est, l’été est là, et les grandes vacances également. Progressivement, les uns après les autres depuis la mi-juin (pour ceux qui ont pu reprendre leurs activités à la suite du confinement), les programmes ont mis un terme à leur saison et leurs équipes peuvent enfin profiter d’un repos bien mérité. La trêve télévisuelle estivale arrive, accompagnée de son lot de rediffusions et de déstockage en masse. Elles semblent bien loin à présent toutes ces promesses et annonces en tout genre faites par les chaînes en début de saison lors de leurs traditionnelles conférences de rentrée. Depuis, le naturel est revenu au galop, ça a cafouillé, ça s’est adapté, ça a bougé. Au bout du compte, qu’allons-nous retenir de cette saison télé ? A présent que cette saison 2019-2020 touche à sa fin, il est l’heure pour nous de dresser le bilan d’une saison télé particulièrement mouvementée cette année.




A comme… Arte


Tout doucement mais sûrement, Arte continue de faire son petit bonhomme de chemin. En juin, la chaîne a battu son record historique d’audience mensuelle (3% de part de marché), se situant ainsi dans le peloton de tête de la TNT, au coude-à-coude avec France 5, TMC? BFMTV et W9. Preuve que la chaîne parvient depuis quelques années à se détacher de cette image de chaîne culturelle élitiste qui lui collait à la peau. Mieux encore, Arte semble avoir réussi un peu plus cette saison à consolider sa nouvelle image de chaîne culturelle européenne et branchée.


Cette saison encore, l’intérêt pour Arte a, sans conteste, été suscité par ses investissements conséquents en matière de fiction, tant en matière de films que de téléfilms ou de séries, qui rassemble très régulièrement un million de téléspectateur le soir devant la sept. Parmi les nouveautés qui ont étoffé le catalogue de la chaîne, nous pouvons citer, entre autres, les séries Mytho, Dérapages ou bien L’agent immobilier. Mais ce qui paraît également séduire de plus en plus de téléspectateurs, c’est le «renversement copernicien» proposé par Arte, en clair la volonté de faire de l’antenne une vitrine de la richesse et de la diversité des programmes qui sont proposés sur leur site. Cette manière de concevoir la télévision du futur, prenant tout à fait en considération l’intérêt formulé, en particulier par les jeunes, par le système proposé par les plateformes de streaming, semble en tout cas payer.


Et si, finalement, nous n’avions pas déjà sous nos yeux la future grande plateforme européenne voulue à travers la création prochaine de «Salto» ?



B comme… BFMTV


Si, une fois encore, BFMTV s’est largement maintenue comme la chaîne d’informations en continu la plus plébiscitée par les téléspectateurs (2,9% de part de marché en mai, soit +0,6 point par rapport à mai 2019, loin devant LCI avec 1,5%, CNews avec 1,4% et Franceinfo avec 0,6%), ce n’est pas pour cela que nous la retiendrons cette saison, mais plutôt pour la poursuite de la régionalisation de la chaîne. En effet, après BFM Paris en 2016 et BFM Lyon en 2019, c’est au tour de Lille et du littoral des Hauts-de-France de se voir investir par BFMTV avec BFM Grand Lille et BFM Grand Littoral depuis février dernier. Nul doute que le maillage territorial de France 3, avec ses 24 antennes régionales, fait rêver la chaîne d’informations en continu. Même si BFMTV est bien loin d’un tel réseau, développer sa présence dans les principales métropoles de l’hexagone semble être une stratégie maligne pour pouvoir renforcer un peu plus sa stature de référence en matière d’information. D’ailleurs, quelle sera la prochaine destination de BFMTV ? Bordeaux ? Marseille ? C’est le moment de lancer les paris !



C comme… Confinement


Une chose est sûre : la pandémie de coronavirus a incontestablement marqué cette saison télé en bouleversant les plans des chaînes pendant plusieurs mois. En effet, confinement oblige, les tournages des programmes télévisés ont dû être suspendus, reportés, voire finalement tout bonnement annulés. Au-delà de l’enjeu d’être capable de proposer des nouveautés pour la prochaine rentrée télé, les chaînes se devaient avant tout d’avoir suffisamment de stock de leurs programmes pour pouvoir alimenter leur antenne durant plus de deux mois, ce qui n’a pas toujours pu être le cas. Qui plus est, les chaînes ne voulaient pas sacrifier les programmes inédits qui leur restaient en stock en sachant que, face à la dégringolade des recettes publicitaires due à la désertion logique des annonceurs pendant le confinement, leurs investissements ne seraient pas rentabilisés.


Ainsi, les chaînes ont dû s’adapter ou se réinventer. Certaines d’entre elles ont, en premier lieu, fait le choix de miser sur des classiques. C’est le cas de TF1, qui a enchaîné chaque lundi, mardi et jeudi en prime-time des sagas cinématographiques cultes (Harry Potter, Le seigneur des anneaux, Camping, Les Bronzés, Les Visiteurs ou Taxi), ou bien de France 2 et de M6 avec les films de Louis de Funès (une quinzaine de films avec l’acteur français a été diffusé entre mi-mars et fin avril).

Source: @justdefunes (compte Twitter)


M6 a même osé ressortir les téléfilms de Noël en plein mois de mars ! Toutefois, cela n’a même pas duré une semaine, faute d’audience. D’autres chaînes, comme C8, ont rapidement cherché à trouver des alternatives pour maintenir leurs émissions phares en direct. C’est ainsi que Cyril Hanouna, avec Ce soir chez Baba, a été l’un des premiers animateurs à proposer son programme en direct depuis chez lui, avec des intervenants en visio-conférence, avant que d’autres chaînes lui emboîtent le pas.


Depuis, même si le confinement a été levé, les mesures sanitaires demeurent, ce qui pose encore de nombreuses interrogations autour des conditions de reprise des tournages. Notamment concernant le public, présent dans la plupart des émissions télévisées et auquel, en tant que téléspectateur, nous ne prêtions pas trop d’attention… jusqu’à ce que nous voyons la différence depuis que les programmes ne peuvent plus en accueillir. Pour pallier cette absence, deux choix sont généralement faits : soit les programmes assument l’absence de public et réaménagent leur plateau de manière à ce qu’il donne moins l’impression d’être vide et froid à l’image (c’est le cas, par exemple, de Quotidien sur TMC ou de C que du kif ! sur C8) ; soit les programmes diffusent des applaudissements enregistrés et/ou montrent des images de téléspectateurs qui assistent à l’enregistrement du programme par visio-conférence (c’est le cas, entre autres, de The Voice sur TF1 ou de Questions pour un champion sur France 3). Toujours est-il que la palme de la créativité revient clairement, ex-aequo, à N’oubliez pas les paroles (France 2) et Slam (France 3) avec leurs publics sacrément gonflés d’être aussi nombreux à avoir fait le déplacement.

Source: Compte instagram de Nagui


Source: Compte instagram de Cyril Féraud


Quoi qu’il en soit, au-delà de la situation sanitaire du pays, au vue des plans d’économies qui ont déjà été annoncé par plusieurs groupes télés, nul doute que le retour à la normale ne risque pas d’être pour tout de suite du côté de la télévision.



D comme… Douze coups de midi


Voilà un succès qui ne se dément pas. Alors que le jeu quotidien du midi de TF1 vient de souffler ses dix bougies, celui-ci n’a jamais été autant suivi. En effet, le 31 mars dernier, Les douze coups de midi a ressemblé en moyenne 6,7 millions de téléspectateurs, battant ainsi le record historique de l’émission. Si le jeu a clairement bénéficié d’un effet confinement, il doit avant tout ses audiences au beau fixe à l’enchaînement à intervalle proche des parcours de deux des plus grands maitres de midi, Paul (153 participations, entre avril et octobre 2019) et Eric (199 participations, entre novembre 2019 et juin 2020). Ces parcours ont dû, en tout cas, clairement ravir Jean-Luc Reichmann et l’équipe de production qui n’espéraient que de pouvoir oublier rapidement Christian Quesada, jusqu’alors recordman incontesté de l’émission avec 193 participations (93 de plus que Véronique, à l’époque seconde), mais surtout arrêté en 2019 et condamné en 2020 à trois ans de prison ferme par la justice pour «corruption de mineures» et «détention et diffusion d’images pédopornographiques».



E comme… Emmanuel Macron


Cette année, le record d’audience télévisé ne sera pas détenu par un match de football ou le traditionnel concert des «enfoirés» retransmis chaque année par TF1. En effet, au vue du caractère inédit et incertain de la crise sanitaire que nous traversons actuellement, bon nombre de français se sont inquiétés et se sont posés pas mal d’interrogations quant à la manière de faire face à cette crise. Au regard des meilleures audiences, pour l’heure, de l’année, la parole présidentielle était donc particulièrement scrutée.



Ainsi, les allocutions d’Emmanuel Macron depuis l’Elysée au sujet du coronavirus ont battu deux records télévisuels : celui du record d’audience historique pour une allocution présidentielle française (le nombre exceptionnel de diffuseurs en simultanée y a clairement aidé) et celui du record d’audience historique tout court pour la télévision française (sauf si l’on s’en tient au record par chaîne, dans quel cas le record est toujours tenu par TF1, avec la retransmission de la demi-finale de la coupe du monde de football Portugal-France en 2006 avec 22,2 millions de téléspectateurs). Cette crise sanitaire fera donc clairement date en terme de communication de crise et pour la télévision.



F comme… Fiction française


Bien que la fiction française soit souvent moquée pour ses piètres performances, notons tout de même une nouvelle fois de belles réussites et de beaux succès d’audience en la matière cette saison. Sans être exhaustif, en terme de nouveautés, c’est le cas du Bazar de la charité (TF1), de Astrid et Raphaëlle (France 2) ou de Dérapages (Arte). Soulignons, sinon, également les cas de Baron noir (3ème saison, Canal+), Les bracelets rouges (3ème saison, TF1), Capitaine Marleau (suite de la 3ème saison, France 3), Balthazar (2ème saison, TF1), Candice Renoir (8ème saison, France 2) ou encore Munch (3ème saison, TF1). Cocorico!



G comme… Gulli


Du mouvement du côté du rapport de force entre les différents groupes du PAF. En effet, depuis septembre 2019, la chaîne pour enfants Gulli est dorénavant la propriété du groupe M6, rachetée au groupe Lagardère (avec d’autres chaînes payantes du groupe) pour la somme de 215 millions d’euros. Pour rappel, la seule autre chaîne pour enfants sur la TNT est France 4, qui appartient au groupe public France Télévisions. Concrètement, cela n’a, pour l’heure, pas changé grand-chose pour Gulli. L’apport le plus visible à l’antenne est l’arrivée de Mac Lesggy, incarnation de M6, avec une déclinaison de son célèbre magazine de vulgarisation scientifique E=M6, intitulée E=M6 family, chaque dimanche en prime-time. En dehors de cela, Gulli bénéficie surtout de rediffusions des programmes de M6 (par exemple, la série En famille ou bien le divertissement La France a un incroyable talent, la bataille du jury), en particulier les dessins-animés qui se trouvent dans le catalogue de la six. Y aura-t-il davantage de nouveautés sur Gulli à la rentrée prochaine suite à son intégration au groupe M6 ? Réponse à l’automne prochain.



H comme… Harcèlement moral, sexiste et sexuel


Aucun secteur ne semble être épargné par la multiplication des témoignages encouragée par le #MeToo, tant le sexisme a profondément infusé au sein de la société. Et malheureusement, la télévision est aussi touchée, notamment les rédactions sportives.


En avril dernier, c’est le témoignage de Clémentine Sarlat, ancienne co-présentatrice de Stade 2 (France 2, de janvier à avril 2018) puis de Tout le sport (France 3, entre avril et août 2018), les deux magazines sportifs du service public, dans le journal L’Equipe qui a semé le trouble. En effet, dans celui-ci, la journaliste déclare «J’allais à ‘Stade 2’ en pleurant. Pour la préparation de l’émission, personne ne me parlait. Ils m’avaient mise dans un bureau à part, loin des rédacteurs en chef. Je devais prendre mon ordi portable pour me rapprocher et comprendre de quoi on allait parler. […] Au service des sports, on côtoie des gens géniaux mais aussi des gros cons. Avec les vieux, dès que je mettais une jupe, j’avais forcément le droit à une réflexion. J’ai travaillé pour TF1 pendant la dernière coupe du monde de rugby. Ca m’a fait bizarre, tout le monde était normal.» Suite à ces déclarations, la direction de France Télévisions a lancé une enquête pour «faire la lumière sur les faits évoqués», rappelant que le groupe est «engagé dans une politique d’exemplarité et de zéro tolérance envers le harcèlement sous toutes ses formes».


Pourtant, Clémentine Sarlat n’est pas la seule à avoir témoigné de ce climat délétère. En juin dernier, le site d’information Médiapart a ainsi relayé les témoignages accablants de plusieurs journalistes issus de cette même rédaction qui mettent en évidence à quel point le service des sports de France Télévisions est «un bastion sexiste» pour reprendre le titre de l’article. Cet article révèle d’ailleurs les conclusions tirées par un cabinet de conseils, chargé par France Télévisions de réaliser un audit interne au service des sports du service public. Ce rapport souligne «un entre-soi masculin», «avec beaucoup de stéréotypes sur les femmes», «une parole féminine peu valorisée» et «une méconnaissance totale de ce qui est autorisé ou pas dans un contexte professionnel», le tout prenant place dans «un management défaillant et qui ne reprend quasiment jamais les dérapages sexistes».


Ce genre de comportements inappropriés et inadmissibles semble malheureusement concerner bien d'autres rédactions. En réaction au témoignage de Clémentine Sarlat, d’autres journalistes ont également partagé leurs douloureuses expériences. Sur Twitter, l’actuelle chroniqueuse à la matinale de France 2 Télématin Andréa Decaudin a notamment expliqué à quel point son rédacteur en chef et le co-animateur de la tranche qu’elle présentait à une époque cherchaient constamment à la rabaisser en la faisant passer pour une incompétente ou une moins que rien. Par exemple, elle raconte que «Un jour, en conférence de rédac, j’ai suggéré à mon co-présentateur qu’il serait intéressant de recevoir untel sur notre plateau. Ce dernier m’a rétorqué : ‘pourquoi tu veux le mettre en avant ? tu baises avec lui ou quoi ?’». La journaliste de RMC Sport Tiffany Henne a, elle aussi, choisi de témoigner sur Twitter. Cette dernière a notamment dénoncé le fait qu’un de ses rédacteurs en chef à une époque multipliait les allusions déplacées et les moqueries à propos de sa supposée orientation sexuelle, à tel point qu’il a refusé un jour de la laisser sortir d’une salle de travail tant qu’il n’avait pas pu la filmer en train de reconnaître qu’elle est attirée par les femmes.


Face à cela, nous ne cesserons jamais de souligner l’importance d’en parler aux autorités compétentes, que nous soyons victime ou témoin de ce genre de scène, afin que le(s) responsable(s) soi(en)t fermement condamné(s) et que ces comportements ne se reproduisent plus à l'avenir. Au-delà de cela, n'oublions pas que l’éducation reste toujours la meilleure manière de lutter contre la perpétuation des stéréotypes de genre, à commencer par celui qui prétend que le sport serait un domaine réservé aux hommes. Non, les femmes ne sont pas moins légitimes de pratiquer ou de commenter n’importe quel sport.




Et vous, qu’avez-vous retenu de cette saison télé ?


[Retrouvez la deuxième et la troisième partie de cet article dans les prochains jours! Encore un peu de patience!]

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