Un an après son changement de nom, que devient la 23?
Lors d’un précédent article partagé en septembre dernier et consacré au changement de nom de la 23, le rendez-vous avait été pris en fin de saison télé pour «dresser le bilan de cette relance» et «savoir si elle aura permis d’élargir le public de la 23 et de la rendre davantage identifiable aux yeux des téléspectateurs». Un an plus tard, il est temps pour nous de faire le point. Et à cette question, inutile de tergiverser longuement, nous pouvons d’ores et déjà assurer que ce n’est pas gagné.
Il y a un, la promesse d’une «montée en gamme» pour la 23
Pour bien comprendre l’enjeu de cet article, un petit rappel des faits s’impose. Il y a un an, le 3 septembre dernier, la 23, jusqu’alors nommée «Numéro 23», changeait de nom au profit de «RMC Story». La chaîne ayant été racheté en juillet 2017 par le groupe NextRadioTV, le but principal était de marquer symboliquement un nouveau positionnement pour la chaîne. L’autre objectif, plus officieux, était d’avant tout harmoniser le nom des marques du groupe en ajoutant la particule «RMC» au nom de chaîne de la 23, le groupe étant déjà propriétaire de la chaine RMC Découverte et de la radio RMC. A l’époque, Alain Weill, PDG du groupe NextRadioTV, entendait faire de la 23 «la chaîne des histoires vraies», à travers le récit d’histoires diverses et variées, abordées que ce soit sous forme de documentaires, de séries, de films ou de magazines. En clair, la chaîne cherchait à donner une cohérence à l’identité de chaîne généraliste un peu fouillis qui suit Numéro 23 depuis son lancement en 2012. La véritable distinction entre Numéro 23 et RMC Story semblait se trouver dans un renforcement de l’offre en programmes à travers un investissement plus important, promettant alors une «montée en gamme» de la chaîne.
Un an plus tard, la «montée en gamme» peine à se faire sentir
A présent que la saison télé est arrivée à son terme, il serait assez légitime de se poser une question : à part le changement de nom, qu’est-ce qui a changé ? En effet, si l’on compare la grille des programmes de cette fin de saison par rapport à celle de la fin de saison dernière, nous sommes en droit de nous interroger au vue de leur ressemblance troublante.
Pourtant, ce n’est pas faute de la part de la chaîne d’avoir tenté de trouver des visages pour l’incarner. Ainsi, l’ancien présentateur de BFMTV Jean-Baptiste Boursier, a tenté sa chance avec son «Talk-show» hebdomadaire. C’est également le cas de l’interviewer de RMC/BFMTV Jean-Jacques Bourdin avec son talk-show mensuel «Rien n’est impossible». Seulement, la chaîne est loin d’avoir tout mis en œuvre pour favoriser au mieux la réussite de ses deux journalistes. En effet, déjà qu’il existe actuellement un nombre conséquent de talk-shows à la télévision et qu’il est donc difficile d’en installer de nouveaux, d’autant plus en prime-time, les deux journalistes n’ont pas bénéficié d’une large promotion pour leurs programmes, la chaîne sous-estimant sa visibilité au fin fond de la TNT. De plus, c’est sans compter sur le fait que la chaîne ne leur a même pas laissé une chance de trouver tout doucement leur public, au moins le temps de la saison télé, puisque la chaîne les a tous deux déprogrammé au bout de quelques numéros seulement. Preuve que la tentative d’incarnation de la chaîne s’est révélée être un échec cette saison, Jean-Baptiste Boursier, annoncé par la chaîne en début de saison comme celui qui représenterait son renouveau et sa montée en puissance, a quitté la chaîne à peine quatre mois après son arrivée.
Outre cet objectif raté, la chaîne a, bien entendu, tenté également d’apporter des nouveautés sur son antenne. Sur ce point, il faut bien reconnaître quelques succès et bons points pour la 23. Parmi eux, la récupération d’une partie des droits de l’Europa League, compétition de football ayant permis de réaliser cette année les six meilleures audiences de la chaîne et de pulvériser son record historique (1,6 million de téléspectateurs en mars dernier pour le huitième de finale retour Arsenal-Rennes, contre 725 000 téléspectateurs pour le précédent record datant de 2017). On peut aussi noter la retransmission chaque matin entre 6h et 9h de «Good morning business», la matinale de la radio BFM Business, une émission qui fait la part belle à l’économie, ce qui est assez rare à la télé pour être souligné. A part ça, les autres nouveautés ont connu une certaine indifférence de la part des téléspectateurs. En même temps, il faut bien avouer que nous ne savions pas véritablement à quoi nous attendre en terme de nouveautés au moment de l’annonce de la relance de la chaîne, et que nous ne savons toujours pas à côté de quoi nous sommes passés. A part les talk-shows de Jean-Baptiste Boursier et de Jean-Jacques Bourdin qui ont légèrement existé médiatiquement, le reste des investissements en terme de programmes s’est vraisemblablement fait dans l’achat et la production de reportages et de documentaires plutôt que dans la création de marques diverses. Il faut dire aussi que RMC Story met peu en avant les quelques nouveautés qu’elle propose. Par exemple, la célèbre série de Netflix «Orange is the new black», dont la chaîne a les droits, a eu sa saison 6 diffusée le mardi à 23h40, une case confidentielle qui condamnait dès le départ la série qui, à défaut de permettre à la chaîne de faire un carton d’audience (environ 400 000 téléspectateurs pour le lancement de la saison 1 en prime début 2017, puis systématiquement moins de 150 000 téléspectateurs pour la suite, une fois basculée en seconde partie de soirée), aurait permis à la chaîne de gagner en visibilité.
Côté audiences, il semble que la «montée en gamme» voulue pour la 23 n’ait pas eu d’effets particuliers. Atteignant son meilleur score mensuel historique en septembre et octobre dernier au moment du changement de nom (1,5% de part d’audience, 18ème sur 27), la chaîne a connu une baisse sensible de son audience en novembre (1,2%) avant de revenir à son meilleur score mensuel en mai.
Cette saison, RMC Story ne prend plus de risques et mise sur des valeurs sûres
Pour la saison télé 2019-2020, la 23 a bien l’intention de tirer les conclusions de la relance décevante obtenue par la chaîne à l’issue de la saison passée, comme en témoigne la conférence de rentrée de la chaîne qui s’est tenue début juillet. En effet, RMC Story a toujours l’intention de mettre en avant les «histoires vraies», mais cela se fera essentiellement à travers des documentaires et des magazines de reportages, dont l’offre restera conséquente. A ce propos, nous pouvons signaler la reconduction pour quatre nouveaux numéros du magazine d’Anne Nivat «Dans quelle France on vit», ainsi que le lancement d’une nouvelle version du célèbre magazine belge «Strip-tease» (dont les deux créateurs Jean Libon et Marco Lamensch regrettent de ne pas avoir été consulté ni même averti de la récupération de la marque, dénonçant au passage les faibles moyens dont disposerait la nouvelle production). Parmi les nouveautés qui vaudront certainement le détour, le lancement de la série-documentaire baptisée «Les cancres», dans laquelle des célébrités qui ont connu le décrochage scolaire (Jean-Jacques Bourdin, Jamel Debbouze, Fabrice Luchini, François Pinault, Alain Ducasse et Michel Drucker participeront aux quatre premiers numéros) vont s’enfermer dans une salle de permanence avec des lycéens en situation d’échec scolaire.
En dehors des documentaires et des reportages, la chaîne redeviendra assez frileuse. Elle ne renouvellera pas, par exemple, l’expérience des talk-show cette saison (en dehors de la poursuite de la retransmission des «Grandes gueules», installé dans la grille depuis 2016) suite à l’échec des deux tentatives de la saison passée. En matière de séries, la chaîne n’a que de maigres propositions inédites à faire (la série finlandaise «All the sins» et la mini-série anglaise «Dark money»). A noter sinon que la saison 2 de la série-réalité «Escape, 21 jours pour disparaître» sera diffusée sur RMC Story et non plus sur RMC Découverte comme l’a été la première saison.