Eurovision 2019, épisode 2: Cap sur Israël pour «oser rêver» !
Samedi, les fans du concours international de la chanson se tourneront tous et toutes vers Israël, pays-hôte de la 64ème édition du concours, suite à la victoire de Netta l’année dernière avec sa chanson «Toy», soit vingt ans après la dernière victoire du pays au concours. Mais qui pour succéder à Israël ? Avant de découvrir les 41 pays en compétition en live lors des demi-finales mardi et jeudi, voici une petite sélection (personnelle mais toujours le plus objectif possible !) des titres ayant des chances de l’emporter ou qui ont, à défaut, le plus retenu mon attention et qui méritent donc, à mon sens, que l’on s’attarde dessus.
1 point : l’Albanie avec «Ktheju tokës» de Jonida Maliqi
Pour l’air de la chanson, qui nous emmène directement dans des contrées lointaines. Cette chanson pourrait fort bien se caler sur les images d’un film d’action, plutôt vers la fin de celui-ci, au moment où la dramaturgie est à son paroxysme, quand le héros ou l’héroïne, après avoir été confronté à un dilemme à l’enjeu élevé, prend ses responsabilités et, héroïque, passe à l’action. Si vous trouvez que je suis allé un peu trop loin dans l’interprétation, vous reconnaitrez au moins que la chanteuse a une voix assez envoutante, qui participe à la constitution de cette atmosphère particulière au moment d’écouter la chanson.
2 points : la Pologne avec «Fire of love» de Tulia
Cette chanson aux tonalités pop rock se révèle vite entraînante du fait des voix punchy des chanteuses et de l’air répétitif de la chanson qui rentre facilement en tête. Si le groupe exclusivement féminin est aussi énergique sur scène qu’il en présage, cela promet un agréable moment ! Il a, en tout cas, clairement de quoi assurer un sacré show avec cette proposition.
3 points : l’Estonie avec «Storm» de Victor Crone
Si vous appréciez la musique proposée par le dj Avicii et le groupe Coldplay, ce morceau devrait vous plaire. Il est assez troublant de constater que l’on dirait un savant mélange entre l’air de certaines chansons joyeuses et entraînantes d’Avicii, à la voix du chanteur de Coldplay. Ces similitudes peuvent ainsi être la force comme le point faible de cette chanson : si les spectateurs font le rapprochement, ils pourraient être plus facilement incités à voter pour lui s’ils apprécient les deux artistes cités ; en même temps, ils pourraient être dissuader de le faire s’ils trouvent que cette chanson ressemble du coup beaucoup trop à d’autres déjà entendues et qu’elle ne se démarque donc pas suffisamment pour le concours.
4 points : l’Arménie avec «Walking out» de Srbuk
Si le morceau s’apparence à une chanson pop tout à fait classique (pouvant faire penser au style de la chanteuse Marina Kaye), qui plus est assez «Eurovision-compatible» sur la forme, il ne faut pas le sous-estimer pour autant. La chanson n’est effectivement pas particulièrement audacieuse, mais ça n’en reste pas moins un morceau efficace qui vaut le détour, et que l’on s’imaginerait bien écouter avec plaisir si elle venait à passer à la radio.
5 points : la Belgique avec «Wake up» d’Eliot
A travers ce morceau, la Belgique semble persister dans la lignée de ce qu’elle a proposé l’année dernière avec Sennek puisque nous avons à nouveau une chanson posée, à l’air assez mélancolique et à la voix travaillée, mettant en avant le texte de la chanson. Peut être que le manque de maturité dû au jeune âge du chanteur (à peine 18 ans) fait que cette chanson nous berce sans pour autant nous transcender. Toujours est-il que la proposition est loin d’être inintéressante et mérite que l’on y porte intérêt.
6 points : le Danemark avec «Love is forever» de Leonora
Pour son côté faussement enfantin redoutablement attendrissant. En effet, à première vue, lorsque la chanteuse parle «d’amour pour toujours, et pour tout le monde» sur un air assez épuré et doux, nous pouvons imaginer un titre débordant de naïveté et de niaiserie à l’effet répulsif immédiat. Pourtant, en jetant un coup d’œil au live proposé lors des sélections nationales, nous pouvons constater que la chanteuse semble délibérément jouer du côté naïf véhiculé par sa chanson à travers une mise en scène grossissant le trait, sans être grossière ou caricatural pour autant (la chanteuse s’assit sur une chaise géante, une colombe et un arc-en-ciel sont représentés au début dans le décor derrière la chanteuse…). Ainsi, au-delà de l’apparence enfantine de cette chanson, la chanteuse semble vouloir diffuser un message clair et rassembleur tout en tentant de séduire un large public, un double objectif qui semble ici rempli avec succès. De plus, il faut bien reconnaître que l’on ne peut que se sentir flattés des quelques paroles prononcées en français lors du troisième couplet et du dernier refrain (d’accord, il s’agit très probablement d’une manière d’obtenir quelques points de la part de la France au passage mais bon, ça fait quand même plaisir…).
7 points : Israël avec «Home» de Kobi Marimi
Changement de registre cette année pour Israël, qui passe d’une chanteuse de pop survoltée à un piano-voix posé, proposé par un chanteur capable de donner la chair de poule rien que par la justesse et la puissance de sa voix. Israël montre ainsi que le pays-hôte ne se contente pas simplement d’accueillir le concours et qu’il a bien l’intention de proposer une prestation à la hauteur de celles de ses invités, et peut-être, qui sait, dans l’optique de rester à Israël l’année prochaine (Israël a déjà remporté le concours deux fois consécutives en 1978 et 1979, pourquoi cela ne pourrait-il pas se reproduire ?).
8 points : Malte avec «Chameleon» de Michela
Energique et moderne, cette chanson pop semble avoir le potentiel d’aller loin. L’année dernière, Chypre n’est pas passé loin de remporter le titre avec un morceau proche. Le tout est de savoir si sa chanteuse parviendra à son tour à marquer les esprits avec une mise en scène à la hauteur des possibilités que lui laisse la chanson. Si elle parvient à faire le show, cette petite île de la Méditerranée devrait pouvoir viser un classement plus qu’honorable.
10 points : l’Italie avec «Soldi» de Mahmood
«Mahmood… Bof… La plus belle chanson italienne ? Moi, j’aurais choisi Ultimo [un autre candidat], et vous, qu’est-ce que vous en dites ?» s’était fendu le ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini dans un tweet à l’annonce de la victoire du rappeur à l’issue des sélections nationales, ce qui avait provoqué la polémique dans le pays étant donné que quelques jours plus tôt, il avait fait savoir qu’il aurait préféré voir «davantage d’auteurs-compositeurs italiens» dans le concours, ce qui semblait notamment viser Mahmood. Pourtant, la chanson, résolument moderne, entre pop et rap, sans oublier des consonnances orientales, est un titre frais, efficace, et qui devrait assurer sans nul doute les premières places du classement à l’Italie. Méfions-nous néanmoins de l’importance du choix de la langue, la préférence ici pour l’italien pouvant peut-être coûter quelques places décisives face à l’hégémonie de l’anglais dans ce concours, bien que des pays ont déjà remporté le concours avec des morceaux chantés dans la langue de leur pays.
And the twelve points go to… les Pays-Bas avec «Arcade» de Duncan Laurence
Objectivement, ce n’est pas ma chanson préférée mais il faut bien reconnaître que le morceau est clairement celui qui semble être le plus en mesure de faire l’unanimité auprès du vaste et hétéroclite public de l’Eurovision. En effet, dès les premières notes du morceau et les premiers mots du chanteur, la chanson a cette capacité de toucher le spectateur, de capter instantanément son attention et de ne plus la relâcher jusqu’à la fin du morceau, moment où il se rend compte de la bouffée d’oxygène que ce moment a été.
Mention spéciale «foutage de gueule» pour Chypre avec «Replay» de Tamta
Il fallait oser. Il suffit d’écouter successivement le morceau sélectionné cette année et celui de l’année dernière par le pays pour saisir à quel point ce choix est culotté. En effet, les deux titres sont tous les deux des chansons pops, dont l’air et la structure se ressemblent comme deux gouttes d’eau, avec des deux côtés une chanteuse qui entend bien miser sur une mise en scène mettant en avant son physique. Le comble vient tout de même du titre choisi pour la chanson, «replay», qui constituerait un sacré pied de nez s’il a été retenu délibérément en lien avec ce constat, de façon à assumer et à aller jusqu’au bout du culot. Etant donné que le choix de la représentante du pays est le fruit d’une sélection interne, il n’est pas impossible que ce choix ait été fait stratégiquement en repensant à la prestation de l’année précédente (qui avait rapporté la seconde place du podium au pays) afin d’obtenir cette fois-ci la première place ou, à défaut, de rester dans les premières places du classement. Quoi qu’il en soit, que la similitude avec le choix de l’année dernière soit réfléchie et voulue ou bien simplement le fruit du hasard, le pays semble quelque peu manquer d’audace avec ce titre assez convenu.
Mention spéciale «WTF» pour le Portugal avec «Telemóveis» de Conan Osiris
Le moindre que l’on puisse dire, c’est que la proposition portugaise est tout à fait déroutante. Soit le spectateur apprécie, soit le spectateur déteste, mais cette proposition ne le laisse certainement pas indifférent. Dans un mélange flou de sonorités multiples, faisant tantôt penser au style musical traditionnel, tantôt au style oriental, ce titre a un côté envoûtant qui a de quoi faire perdre complètement ses repères au spectateur, qui, de bout en bout, ne semble pas savoir quoi penser. La proposition est d’autant plus intrigante au vue de l’aperçu de la mise en scène proposé lors des sélections nationales. En effet, vêtu d’un mélange curieux composé d’un kimono et de chaussons futuristes, sans oublier le masque et des griffes dorées aux formes étranges, la chorégraphie, proposée en compagnie de son danseur, semble être à mi-chemin entre une performance d’art contemporain réfléchie et maitrisée et deux jeunes complètement bourrés en fin de soirée qui croient pouvoir proposer un pas de danse du tonnerre sur n’importe quelle musique. Quoi qu’il en soit, nous pouvons que souhaiter au chanteur de connaître une nouvelle fois une bonne surprise après avoir été plébiscité par le public portugais lors des sélections nationales, ne serait-ce que pour encourager davantage à l’avenir l’existence de ce genre de proposition peu commune et originale au concours.
Et la France dans tout ça ?
Si la France n’est pas dans mon top 10, vous vous doutez déjà que je crois moyennement en ses chances de victoire. Néanmoins, cela ne veut pas dire pour autant que je ne crois pas en ses chances d’être bien classée. Lors de mon précédent top à l’occasion des sélections nationales, j’avais clairement exprimé mon intérêt et mon engouement vis-à-vis de cette proposition, qui me semblait être la plus à même de représenter notre pays (musicalement et en terme d’image) et de nous faire aller loin au concours. Néanmoins, après écoute de l’ensemble des titres en compétition, il faut bien admettre que la concurrence risque d’être rude de la part de certains pays et qu’il me semble donc difficile de faire mieux que le classement des deux dernières années, c’est-à-dire entre la dixième et la quinzième place. Bien évidemment, je nous souhaite de me tromper royalement et d’être agréablement étonné. Mais à moins que Bilal Hassani ait retravaillé la justesse et la puissance de sa voix, et qu’il puisse compter sur une scénographie capable d’exploiter tout le potentiel de ce morceau (efforts qui semblaient avoir été initié au vue de la prestation proposée lors de la finale des sélections nationales), les premières places du classement paraissent difficilement atteignables.