Numéro 23: Un tournant pour la chaîne marquée par un changement de nom
Lors de la création de la chaîne en décembre 2012 permise par le développement de la TNT HD, la chaîne s’était faite remarquée pour le manque d’originalité de son nom, un nom pourtant efficace en terme de marketing. «Numéro 23», comme la place à laquelle les téléspectateurs pouvaient dorénavant la trouver. Six ans plus tard, la chaîne finit par se séparer de cette dénomination ce 3 septembre à 6h au profit de «RMC Story», marquant le nouveau positionnement de la chaîne acté par son rachat en juillet 2017 par le groupe NextRadioTV, également propriétaire de RMC Découverte et de BFMTV sur la TNT. Ce changement de nom est ainsi l’occasion pour nous de dresser le bilan de la vingt-troisième chaîne de la TNT, mais également de parler de ses projets pour son avenir.
Une chaîne au positionnement flou
Lorsque le CSA retient le projet de «TVous La télédiversité» (nom porté à l’époque par le projet avant de s’appeler «Numéro 23» suite à l’attribution du canal) en 2012, c’est dans le but de promouvoir la diversité à la télévision française comme le garantit Pascal Houzelot (homme d’affaires et lobbyiste, entre autre président et fondateur de «Pink TV», reste à la tête de Numéro 23 de 2012 à 2017), porteur du projet. Toutefois, il s’était vite avéré que le propriétaire de la chaîne ne semblait pas particulièrement préoccupé par la mission pour laquelle il s’était engagé en échange de l’octroiement d’un canal sur la TNT. En effet, à part dans son slogan, difficile de trouver des signes d’une quelconque diversité pourtant promu par Numéro 23. Ainsi, depuis 2012, la chaîne est surtout un fourre-tout où se côtoient émissions de débats, émissions consacrés au tatouage, aux faits divers ou au paranormal, rediffusions de séries, de films ou encore de divertissements américains. Mise à part l’émission de débats «Les grandes gueules» (diffusée en simultané avec la radio «RMC»), les déclinaisons du concours de tatouage «Ink Master», et des séries comme «Orange is the new black» (depuis 2017) ou «Orphan Black» (entre 2013 et 2014), il semble difficile de savoir à quoi s’attendre en regardant Numéro 23. Malgré tout, la chaîne parvient à faire son petit bonhomme de chemin et passer la barre des 1% de part d’audience en août 2016. Depuis décembre 2017, la chaîne égalise à plusieurs reprises son record d’audience mensuelle avec 1,4% de part d’audience, se situant autour de la vingtième position des chaînes télé en terme d’audience.
Une histoire marquée par de nombreuses polémiques
Bien que la chaîne fasse relativement peu parler d’elle pour ce qui est de sa programmation, on ne peut pas en dire autant pour ce qui est de sa gestion. En effet, depuis 2012, la chaîne a connu des polémiques à répétition la concernant.
A peine quelques mois après son lancement, la direction de Numéro 23 est déjà vivement critiquée pour la différence remarquable entre la ligne éditoriale de la chaîne sur le papier et celle appliquée en réalité. Rachid Arhab, ancien membre du CSA, estimera plus tard que «La diversité n’a été qu’un prétexte pour obtenir une fréquence. […] L’unique objectif des porteurs de ce projet était de planifier une belle opération financière.»
Et pour compte, en avril 2015, Pascal Houzelot, propriétaire de la chaîne, annonce être en négociations avec le groupe NextRadioTV concernant une potentielle revente de la chaîne, malgré ses audiences confidentielles. Cette annonce déclenche alors la colère de la direction des groupes TF1, M6 et Canal+, qui décident de s’adresser conjointement au CSA afin de dénoncer cette opération qui, selon eux, «s’inscrit purement et simplement dans une approche de spéculation sur des fréquences qui relèvent du domaine public». Un mécontentement tout à fait compréhensible puisque Numéro 23 est sur le point d’être revendue environ 90 millions d’euros alors que la fréquence d’émission a été accordé seulement trois ans plus tôt, et ce pour zéro euro. Toutefois, il est important de noter que ce n’est pas la première fois qu’une fréquence publique tente d’être revendue. Ainsi, Claude Berda (groupe «AB») avait revendu TMC et NT1 à TF1 pour environ 190 millions d’euros en 2009 ; Vincent Bolloré (groupe «Bolloré»), quant à lui, avait cédé D8 et Direct Star à Canal+ pour 465 millions d’euros en 2011. Pascal Houzelot se défendra par la suite en expliquant au magazine «Télérama» «ne pas avoir eu le choix. Pour continuer à développer la chaîne, il fallait que je m’adosse à un groupe. Si j’avais vraiment voulu faire de l’argent, je l’aurais vendue à un groupe historique, j’ai d’ailleurs eu des propositions. […] Avec Nextradio, j’ai un projet industriel. Vous verrez, dans cinq ans, j’y serai encore !» Quoi qu’il en soit, en octobre 2015, le CSA décide finalement d’abroger l’autorisation d’émettre de la chaîne pour manquement vis-à-vis de la convention qui avait été signé avec l’instance en 2012, profitant d’une opération financière douteuse entre Numéro 23 et «United TV Holding Russia», groupe télé russe tentant de revendre les 10% du capital de la chaîne qu’il avait obtenu en 2013 pour 10 millions d’euros. Le rapporteur du Conseil d’Etat, devant lequel la chaîne a déposé un recours suite à cette décision du CSA, estime alors que «la mauvaise foi de la société requérante, et sa volonté de se soustraire de manière tout à fait délibérée à ses obligations, au minimum de transparence, nous paraît établie.» Pourtant, en mars 2016, le Conseil d’Etat rend la décision du CSA caduque, considérant que «l’existence de la fraude à la loi invoquée pour justifier le retrait de l’autorisation n’est pas démontrée», permettant ainsi à Numéro 23 de continuer d’émettre.
Une fois cet épisode clos, Pascal Houzelot reprend les transactions entamées avec le groupe NextRadioTV avant la polémique. Ainsi, à peine un mois après la décision du Conseil d’Etat, le groupe entre au capital de Numéro 23 à hauteur de 39%. Puis, à partir de janvier 2017, la publicité diffusée sur la chaîne est gérée par «NextRégie», filiale du groupe NextRadioTV. Enfin, six mois plus tard, le CSA autorise le rachat complet de la chaîne par le groupe NextRadioTV, pour rappel déjà propriétaires de BFMTV et RMC Découverte sur la TNT.
Une volonté de passer à la vitesse supérieure
En juin dernier, lors de la conférence de presse de rentrée de la chaîne, l’annonce est faite par Alain Weill, PDG du groupe NextRadioTV et donc nouveau propriétaire de la chaîne : Numéro 23 va devenir RMC Story. Ce changement de nom est ainsi une manière pour la chaîne de «mieux tourner la page de sa première vie» selon Alain Weill. En intégrant la particule «RMC» au nom de la chaîne, comme c’est déjà le cas pour la station de radio «RMC» ou la chaîne de télé «RMC Découverte», il s’agit surtout d’une façon pour NextRadioTV d’harmoniser les marques du groupe en finalisant l’intégration de leur dernière acquisition. A part ça, difficile de savoir à quoi s’attendre avec cette relance de la chaîne. La 23 entend être «la chaîne des histoires vraies», en s’efforçant d’aborder des thèmes de société à travers le récit d’histoires variées, que ce soit sous forme de documentaire, de série, de film ou de magazine. Néanmoins, cette élégante formulation sonne quelque peu creuse et donne surtout l’impression que la chaîne va conserver l’identité de chaîne généraliste un peu fouillis qui la suit depuis son lancement en 2012. La véritable distinction entre Numéro 23 et RMC Story se trouvera plus certainement dans une «montée en gamme» à travers un renforcement des investissements en matière d’offre de programmes, à l’instar de TMC par le groupe TF1 à la rentrée 2016. A l’heure actuelle, peu de choses ont été dévoilé à ce propos, si ce n’est la volonté de trouver des incarnations pour la chaîne, notamment à travers le journaliste Jean-Baptiste Boursier, quittant BFMTV où il animait les fins de soirées de la chaîne depuis 2011, qui devrait animer un talk-show hebdomadaire en prime sur RMC Story.